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Catégorie : Explication de texte

La Walkryie kiki

Bon sang ! Quand je pense que mon projet initial, c’était d’être le premier mec au monde à résumer l’intégrale de l’Anneau du Nibelung en moins de 140 caractères. Et regardez où j’en suis rendu : quatre articles pour réussir à raconter les deux premiers opéras. Où va le monde, ma bonne dame ? Où va le monde ?

J’aurais pu simplement dire : « vous voyez Le Seigneur des Anneaux ? Vous avez l’Anneau du Nibelung ». Mais non, tiens. Chapeau moi-même.

C’est donc la mort dans l’âme que je continue. Sans trop savoir pourquoi, d’ailleurs. L’épisode précédent, c’est ici.

L’acte trois débute « au sommet de la montagne rocheuse ». Je vous rappelle que Brünnhilde s’est enfuie avec Sieglinde, que Wotan a jeté une malédiction sur Brünnhilde pour ne pas avoir suivi son ordre : laisser son propre fils, Siegmund, se faire tuer par Hunding, l’ex-mari de Sieglinde (sœur jumelle de Siegmund) qui attend dorénavant un enfant de son frère (on va le savoir dans pas longtemps). Bonjour la consanguinité.

Nous voici donc « au sommet de la montagneuse rocheuse » (bravo Wagner pour le pléonasme, bravo moi-même pour la répétition) et toutes les Walkyries s’attellent à la tâche qui leur est imposée : peupler le Walhalla des plus féroces guerriers qui se sont illustrés sur le champ de bataille afin de défendre ce mirifique lieu construit par les géants frères (et pas verts) Fafner et Fasolt (qui a été tué par Fafner rapport à l’anneau forgé par Alberich). Rappel pour les étourdis : l’anneau est toujours dans les mains de Fafner (qui en tant que géant ne peux pas le mettre à son doigt, mais ça, limite on s’en fout).

Instant « Le saviez-vous » ? C’est ici qu’on entend la musique d’Apocalypse Now quand les hélicoptères partent pulvériser du Nuoc-mâm sur les Vietcongs. Je me suis souvent demandé comment Wagner avait fait pour s’en inspirer puisque la première de son opéra avec ce thème date de 1870 alors que le film de Coppola est sorti au cinéma 109 ans plus tard. Un mystère que je ne m’explique toujours pas.

Voici donc Brünnhilde qui entre sur scène avec Sieglinde tandis que les autres Walkyries ramassent des guerriers pour leur redonner vie et les emmener au Walhalla. « Walkyries » qu’elle appelle « ses sœurs » ce qui va à mon sens dans l’idée que c’est bien Wotan le papa des huit Walkyries. Erda a dû bien rire, si c’est elle qui les a toutes portées… À moins que ce ne soit les prémices de l’Octomom ? Auquel cas Wagner est vraiment un putain de visionnaire, ce qui ne m’étonnerait pas.

Octomom

(Notez que j’espère pour Brünnhilde, qu’on ne lui a jamais donné le biberon par la tête comme le fait le fils de l’Octomom).

Toutes s’esclaffent : « Tiens, revoilà not’Cendrillon, alors elle nous a ramené quoi cette fois-ci à la place d’un guerrier… Un faon comme l’autre fois ? Ou un pingouin ? Ah non, une femme ». De son côté Sieglinde est fort malheureuse : « Ne te tourmente pas pour moi », dit-elle à celle qui s’est parjurée pour la sauver, « je n’attends que la mort ». SYMPA. Genre, je me fais chier, je me fous dans la merde pour toi, je me brouille avec mon reup, et toi, tu veux quoi ? Sucer les pissenlits par la racine ? Grosse vache.

Donc, Brünnhilde explique que c’est pas tout à fait possible qu’elle meure pour la simple et bonne raison qu’elle attend un enfant. « Ah bon ? T’es gynéco ? T’as fait une échographie ? KAISSTANSÉ ? », répond Sieglinde, bien étonnée. Les autres Walkyries qui scrutaient l’horizon voient Wotan arriver avec beaucoup de bave aux lèvres et préviennent Brünnhilde du danger. Sieglinde, qui aspirait à la mort à peu près trente secondes auparavant, chie d’un coup dans son froc : « Non, mais j’ai dit ‘je veux mourir’, genre, comme ça, mon frère est mort, ça m’a rendu un peu triste, mais en vré j’ai pas super envie, hein, et pis maintenant, j’attends un enfant, fais quelque chose, Brünnhilde, j’t’en prie ».

Brünnhilde conseille alors à Sieglinde d’aller chez Fafner, enfin, pas d’aller le voir (vu que, bon, il y a peu de chances que le géant ait très envie d’accueillir la mère de l’enfant qui va lui piquer son trésor, même s’il ne le sait pas forcément encore), mais de s’y cacher. Là-dessus, Waltraute (une autre Walkyrie) regarde le ciel et dit : « L’orage approche ». Et Ortlinde répond : « Que celui ou celle qui n’a pas de parapluie s’enfuie ». Et Sieglinde se tire : « Salut la compagnie ! Brünnhilde, c’était très sympa, dis bonjour à ton père pour moi ».

Et voici Wotan en emporte le vent qui débarque sur son char tiré par trois chevaux (« je vais faire un régime Dukan, promis ») et qui entend bien châtier la rebelle. Seulement toutes les Walkyries se sont mélangées entre elles… Sauras-tu retrouver Brünnhilde ?

Walk

Wotan : Brüüüüüünnhiiiiiiiiiiiiilde ! Brüüüüüünnhiiiiiiiiiiiiilde ? Viens prendre ta raclée.

Brünnhilde s’approche de son père qui décide toute une batterie de sanctions plus sévères les unes que les autres. Tout ça pour avoir désobéi UNE fois. Il l’exile, il va la plonger dans un sommeil artificiel en haut d’une montagne et le premier mec qui passe l’éveillera et « flétrira sa fleur virginale ». En gros, il la baisera.

On peut dire ce qu’on veut, mais Wotan n’est pas commode. Il est plutôt tiroir. (oui, c’est ma blague favorite au monde, je vous emmerde).

Je pense, par ailleurs, que Wagner a manqué pour une fois d’un peu de modernité là. Imaginez, il aurait pu faire ça façon Jerry Springer (ou son équivalent belge, avec le présentateur neurasthénique de Ça va se savoir) :

Planche3

Résignée, Brünnhilde demande à son père pourquoi il la répudie. Wotan expédie l’explication d’un obscur : « Demande-toi ce que tu as fait et tu comprendras ta faute ». Là, Brünnhilde est un peu vénère : c’est vrai, elle a désobéi au dieu, mais au dieu qui venait de prendre une décision dictée par sa femme et contre sa propre volonté. Ça ne change rien pour Wotan qui n’a pas vraiment le choix, rapport qu’il est un dieu et tout ça, c’est toujours un peu la merde, faut jongler entre obligations professionnelles et les gosses et encore, il a à peine le temps de les voir grandir, comme Brünnhilde qui est devenue trop vite un esprit libre et farouche. Ah l’indolence de l’adolescence…

Brünnhilde : Bon alors on fait quoi.
Wotan : Bah, t’as fait ta bravache, maintenant j’ai plus trop le choix. Tu vas dormir et zou, le premier mec qui te réveille, tu lui appartiens.
Brünnhilde : Allez, sois chic, fais au moins qu’il soit un grand guerrier, quoi.
Wotan : Non.
Brünnhilde : Mignon, alors ?
Wotan : Non.
Brünnhilde : Bon, bah un nain comme Alberich au moins ?
Wotan : Ça peut pas être un nain, j’ai dit un homme. T’es cruche, ou bien ?
Brünnhilde : Au fait, faut que je te dise.
Wotan : Quoi ?
Brünnhilde : La Sieglinde, elle porte l’enfant de Siegmund. Et je lui ai donné l’épée brisée de Siegmund (quand ils se sont battus à la fin de l’acte deux, sérieux, c’est fatiguant de tout devoir vous rappeler, suivez merde).
Wotan : Oui, bah qu’elle se démerde. Allez, monte en haut du rocher que je t’endorme, j’ai déjà trop traîné.
Brünnhilde : Ça va, j’y vais, on est pas non plus aux courses, hein. En plus, je suis seule, je suis bien obligée d’arriver en tête.
Wotan : Les bookmakers t’ont très mal cotée de toute façon.
Brünnhilde : Bon, et pour notre accord, tu me promets que le garçon qui viendra me réveiller sera un grand héros.
Wotan : Mais vous me fatiguez TOUTES. Pas une pour ne pas réclamer une faveur… Wotan, construis-moi un palace ; Wotan, protège machin ; Wotan, tue bidule ; Wotan la vidange de la voiture, c’est qui qui va la faire ? ; Wotan, encore en train de boire une bière ? ; WOTAN, IL VOUS EMMERDE.
Brünnhilde : Allez, sois chic. Ou sinon, tue-moi. Mais ne m’offre pas au tout-venant…

Wotan lève les yeux en l’air, exaspéré. « Très bien, seul un homme plus libre que moi pourra t’épouser, tu es contente ? Bien, allez maintenant, monte sur ton petit rocher, il est temps de dormir ma chérie ».

Brünnhilde traîne encore ses pieds, s’allonge sur un genre de caillou et un feu s’allume autour d’elle (pour la petite histoire, c’est Loge qui est contraint de devenir feu follet pour empêcher quiconque de sérieusement convaincu d’approcher, mais Loge, je sais déjà que vous avez oublié qui c’est alors, je n’insiste pas).

Springer

FIN (de l’opéra)

Walkyrie en culottes courtes

Bon, après ces conneries sur mes amis bobos qui m’ont un peu éloigné de mes considérations personnelles sur les opéras de Wagner, où en étais-je donc dans ma grande saga de « je vous raconte L’Anneau du Nibelung » ? Ah oui. J’en étais à la Walkyrie Pocket où nous avions laissé Sieglinde et Siegmund convoler, dépourvus de tout sens moral puisqu’ils venaient de découvrir qu’ils étaient frère et sœur, jumeaux de Wotan, sous le toit de l’époux de Sieglinde, Hunding, un sombre mariage forcé. Si vous en avez le courage, c’est par ici (et là pour l’Or du Rhin).

L’acte deux de l’opéra nous change radicalement de décor. Direction une « contrée montagneuse et sauvage ». On retrouve Wotan qui s’est changé (vous savez, il était venu voir Sieglinde en vieillard pour planter une épée dans un tronc d’arbre mort ? Suivez, merde, sinon ça ne va pas être possible). Frais, rasé et propre, il goûte un repos bien mérité. Enfin pas tout à fait. Entre le cognac et le cigare, il convoque Brünnhilde, sa Walkyrie préférée. *** STOP *** PARDON *** WTF *** Qui sont ces Walkyries et pourquoi Brünnhilde est sa préférée ? À ce moment du livret, on n’en sait rien. Sa C tt le pb 2 notr &pok, sa veu tt savoar tt 2 suit. Donc Brünnhilde est sa favorite et les Walkyries sont des guerrières vierges dans la mythologie nordique, et il lui demande de sauver Siegmund et Sieglinde des griffes de Hunding. Brünnhilde, ravie, crie des « Hojotho ! Hotjotoho ! Heiaha ! Heiaha ! Hojotoho ! Heiaha ! » en version originale. Non, elle ne vient pas de traverser Fukushima, elle est juste ravie. Quand, au loin, elle voit la femme de Wotan avec un rouleau à pâtissier avec lequel elle frappe la croupe de trois chevaux flamboyants qui tirent son char doré. « Pt’ain, fais chier, v’là la rombière », se dit Wotan dans son plus for intérieur.

– Qu’est-ce qui se passe encore ?
– Ferme ta bouche, Wotan. Tu sais très bien.
– Non, je ne sais pas, dépêche, j’ai pas la journée.
– Hunding m’a texté. Ta fille — SA FEMME — et ton fils couchent ensemble.
– Hunding ne m’a jamais demandé la main de Sieglinde, ça m’aurait fait mal de la lui donner.
– Peut-être, mais ils sont mariés maintenant, et j’apprécie pas trop l’adultère, rapport au fait que je suis la gardienne des liens sacrés du mariage, tsé.

Là, Wotan, qui a trempé sa bite dans tous les trous que compte la capitale, rit sous cape.

– ÇA VA, WOTAN. JE SAIS. N’EMPÊCHE.
– Bon, ok, ok, tu veux quoi ?
– Tu n’aides plus Siegmund. L’épée magique qu’il a récupérée, tu lui vires tous ses pouvoirs. Et tu files un peu droit, gros queutard de mes deux. Tu crois que j’ai pas vu, hein ? Tu crois que j’ai pas vu que l’immense fortune des Dieux a servi à payer la pension alimentaire pour les huit bâtardes, tes Walkyries, que tu as eues avec cette pute d’Erda et…

Attends, attends Fricka, là, je perds tout le monde. Déjà que c’est pas facile d’intéresser les gens à Wagner…

Je résume. En violet, ce sont les enfants, en vert, c’est « a couché avec » et quand c’est double vert, c’est « est marié(e) avec » :

Mariage Wagner

Oui, on ne sait pas trop avec qui Erda a eu les sept autres Walkyries. Wotan ou un autre, on en sait rien, mais le gars paie pour tout le monde. Je n’ai pas non plus précisé les doutes incestueux qui traversent Wotan quand il s’approche de sa Brünnhilde. Mais bon, Fricka en parle au Dieu des Dieux comme « la fiancée de tes désirs ».

Ce à quoi Wotan répond : « Euh… C’est çui qui dit qui y est » et ajoute « mon esprit aspire à ce qui jamais encore ne s’est fait », façon de dire qu’il anticipait le livre des mormons avant l’heure.

Désemparé, Wotan est face à un ultimatum. Le cadeau ou les échanges ? (cette référence n’a de sens que pour les natifs d’avant 1980) Fricka lui explique qu’elle a été assez bafouée comme ça et que maintenant, ça va filer droit à la maison. Que Wotan lâche le bâtard, et qu’il n’envoie pas Brünnhilde pour le protéger à sa place. Wotan (qui passe) accepte, le cœur déchiré en deux, obligé de reconnaître que sa femme a raison : s’il veut rester un Dieu, il doit se comporter comme un Dieu. Vacherie, tiens.

Là-dessus, Brünnhilde revient toujours à sa chanson héroïque.

Au fait, vous vous demandez à quoi servent les Walkyries ? PATIENCE, jeunes chiots !

Je vous zappe la scène suivante qui n’est qu’une longue redite de l’Or du Rhin. Sauf qu’en réalité, c’est ici qu’on apprend que Brünnhilde est la fille d’Erda, qu’on a vu dans l’Or du Rhin aussi, mais j’ai préféré vous épargné cette énième épisode). On nous met également au parfum que les huit Walkyries ont UN unique but dans la vie (oui, c’est ici, ta patience n’a pas été mise à trop rude épreuve ?) : ramener des guerriers morts qui se sont illustrés au combat pour les accueillir au Walhalla — non pas pour y couler des jours heureux comme dirait Fonzie — mais pour garder la demeure des Dieux (bon, a priori, les conditions de travail n’étaient pas harassantes et il y avait pas mal de contrepartie, mais quand même).

Wotan sent la fin du règne des Dieux arrivée et s’en ouvre à Brünnhilde et au public. La raison ?

Hum. Alors c’est à peu près à cause de ça :

Alberich, le nain qui a fabriqué l’anneau avec l’or du Rhin, puis qui se l’est fait voler par Wotan qui lui-même l’a offert aux géants Fafner et Fasolt en échange de la construction du Walhalla, n’a toujours pas digéré ce larcin. Et il compte bien se venger de Wotan. Entre-temps, Fafner a tué Fasolt pour récupérer l’anneau. Alberich pense récupérer l’anneau à Fafner. Wotan, lui, ne peut pas reprendre l’anneau (on peut voler, mais pas reprendre un cadeau, c’est comme ça en Germanie). Il faut que celui qui reprend l’anneau ne soit en aucun cas lié à Wotan. C’est pour éviter qu’on raconte partout que s’il a récupéré l’anneau, c’est parce que c’est « un fils de ». Pas comme d’autres.

Charlotte gainsbourg cannes 2009

Je vous passe encore les considérations métaphysiques (« Comment faire cet autre qui ne serait plus moi, mais qui ferait de lui-même ce que moi seul désire ? » – la question que je me pose tous les matins avant d’aller au boulot) et je continue sans vous laisser de répit.

Brünnhilde propose Siegmund, Wotan lui file deux claques. T’AS RIEN ÉCOUTÉ GROGNASSE ?

Charlotte gainsbourg cannes 2009

Et là, TADAM, révélation : on apprend qu’Alberich — qui avait dû renoncer à l’amour pour récupérer l’or du Rhin — a séduit une femme (par de l’argent, hein, y a pas de miracle non plus quand tu es un gros nain ferronnier et moche). Et que celle-ci attend un mélange entre la mouche et Alien.

Ici arrive la grosse crise d’adolescence de Brünnhilde : son père, Wotan, lui demande de ne pas défendre Siegmund quand il combattra contre Hunding afin qu’il perde et qu’il meurt. Mais Brünnhilde, insolente comme elle est — ou plutôt devrais-je écrire « effrontée » ? —

Charlotte gainsbourg cannes 2009

refuse d’écouter son père et c’est quand Wotan pique une grosse colère qu’elle se plie finalement à sa volonté.

On retourne ensuite dans la forêt où Sieglinde et Siegmund convolent toujours. Sieglinde part ramasser des pâquerettes (ou je ne sais quoi) parce qu’elle ne se trouve pas assez pure pour coucher avec son frère (oui, moi aussi, ça m’interroge) quand Brünnhilde arrive soudain et explique à Siegmund tout le pataquès (mais beaucoup plus brièvement que moi).

– Bon, Siegmund, tu peux aller prendre ton sac et récupérer ton flambeau, avec 2 voix contre toi, tu dois quitter l’aventure.
– Pffffffff. POURQUOOOOOOOOOIIIIIIIIII ?
– Bah, c’est comme ça.
– Sieglinde ! Viens, ma chérie, on fait nos sacs.
– Ah non, non, Siegmund, tu m’as mal comprise : toi tu pars, mais Sieglinde reste, elle.
– POURQUOOOOOOOOOIIIIIIIIII ?
– Nan, mais y a plein de meufs trop bonnes là où je t’emmène, au Walhalla.

Seulement cette tête de con de Siegmund ne veut pas partir.

« Puisque c’est comme ça, je vais me tuer avec mon épée super balèze et ma femme avec », dit-il.

Alors, Brünnhilde, cette jeune sotte, fille de Wotan ne peut pas s’empêcher de jurer de changer le destin et d’assurer la victoire de Siegmund face à Hunding.

Quelques minutes après, Hunding surgit, Siegmund l’attaque et Wotan débarque pour briser l’épée de Siegmund, vu qu’il faut tout faire soi-même ici. Hunding fait de Sigmund de la pâtée pour chat. Brünnhilde fuit avec Sieglinde, Wotan se retourne et envoie un coup de poing tueur à Hunding. L’acte deux s’achève dans ce qu’il convient d’appeler un bain de sang.

Baindesang

La Walkyrie en trois mots et un peu plus

Il y a un an, pile-poil ou presque, je vous racontais en long en large et en travers les tribulations d’un nain, Alderich, et des misères que lui procuraient un anneau et un heaume qui permettait de se métamorphoser en tout et n’importe quoi. C’est par ici. Or, depuis, j’ai vu la suite des aventures trépidantes de la tétralogie de Wagner et je m’aperçois que j’ai arrêté mon entreprise de vulgarisation et je sens que ça vous manque. Si, si, je le sens.

Alors, sans plus attendre, je m’encourage moi-même à continuer, conscient que je suis de l’angoisse dans laquelle vous vivez depuis plus d’un an dorénavant. Mais d’abord, revenons au commencement.

La tétralogie de Wagner est un (long) opéra en un prologue et trois jours, ce qui se traduit en réalité par quatre opéras : L’Or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried et Le Crépuscule des Dieux. Respectivement : 2h30, 3h30, 4h00 et 4h30. C’est l’apothéose de l’opéra par excellence. C’est aussi ce qui a tué toute tentative de créativité par la suite (j’exagère à peine).

Wagner y a réfléchi et travaillé pendant plus de trente ans d’abord pour l’amour de l’art avec un grand A, mais aussi pour mettre sa famille à l’abri du besoin (parce que la vie de Wagner a pas mal alterné entre la misère la plus totale et la grande vie à la Frédéric Beigbeder, enfin c’est ce que je crois avoir lu dans Cosmo, mais je ne me rappelle plus bien).

Comme il l’écrivait à son mécène, Louis II de Bavière (qui finança en grande partie son théâtre à Bayreuth) : « Il s’agit d’un grand et dur travail […] Le dernier développement très poussé du deuxième acte m’a en particulier fasciné d’une manière telle qu’il m’a souvent fallu m’arrêter dans le ravissement ».

Quoi qu’il en soit, L’Anneau du Nibelung, le nom de la tétralogie, a poussé sur les cendres des légendes germaniques. Je ne sais pas si Wagner avait en tête que le monde entier serait rapidement familier avec les grands contes allemands (et après tout, il s’en est fallu d’un cheveu qu’il en fût ainsi) ou si c’est d’avoir différé et reporté l’écriture du livret, toujours est-il que de but en blanc, quand on commence à lire la tétralogie, c’est quand même pas mal confus.

Et qu’on rajoute des trucs au milieu, et que finalement c’est un demi-homme et pas un demi-dieu, et que le dieu, là, c’est finalement le demi-frère de la sœur de l’autre… Plus on lit le bazar, plus s’ajoute comme ça des petites touches au tableau. Finalement, on termine la lecture de l’œuvre avec un gros mal de tête, surtout si on n’est pas germanophile et qu’on se perd un peu entre les Whillem, Wilhem ou Wihlem.

C’est pour cette raison que je me suis lancé dans ce grand travail de mise à plat de l’Anneau du Nibelung. Pour que plus jamais ça, en somme.

Afin de vous faire vivre tout de même l’œuvre de l’intérieur, j’ai pris la grande décision de me la jouer Wagner et de ne préciser les éléments de l’histoire qu’au moment où ils sont évoqués dans le livret. Ce qui, je vous le dis tout de suite, ne simplifie pas la tâche.

Mais avant de commencer, il faut se rappeler deux choses : a. les dieux sont de sacrés queutards ce qui a pour conséquence principale qu’il n’y a à peu près aucun personnage qui n’a pas un lien de parenté avec un autre (Wotan, le grand chef, étant bien sûr le plus excité du chibre) ; b. les dieux sont soumis à des règles casse-couilles qu’ils ont érigées eux-mêmes et qu’ils n’ont pas le droit de transgresser (alors que s’ils avaient été malins, ils ne les auraient pas proclamées dès le début, et ils seraient toujours les Rois du Monde, comme dirait Dove Attia – en fait, c’est Gérard Presgurvic, mais personne ne le connaît, lui).

Alors j’y vais. Je ne vous refais pas l’Or du Rhin sauf si dans les commentaires vous le réclamez à corps et à cris (enfin, bon, surtout à cris).

Hum.

La Walkyrie

Sieglinde est une Desperate Housewives. Elle dépoussière les meubles à longueur de journée et comme elle habite en forêt avec son mari Hunding, elle a beaucoup de boulot. C’est donc avec un certain ravissement (et une certaine faiblesse pour les plaisirs de la chair), qu’elle se laisse séduire par un homme blessé et sans arme qui arrive chez elle. Cet homme n’a pas de nom — pour l’instant —, et il est « poursuivi par le malheur ». Ça lui parle à Sieglinde. Le malheur, elle connaît. On ne saura que dans deux scènes pourquoi.

Hunding arrive, il claque le beignet de sa femme qui a ouvert la porte à un inconnu, mais offre tout de même l’hospitalité à l’étranger « parce qu’on n’est pas des sauvages non plus ». En même temps, il s’aperçoit que sa femme, Sieglinde, et cet inconnu partagent des traits de ressemblance. Hunding a certainement passé une licence de physionomie à l’université de Nanterre quelques années auparavant, Wagner a oublié de le préciser.

Quand Hunding demande le nom de l’inconnu, sa femme est bien emmerdée : elle a oublié de lui poser la question tellement elle était émoustillée à l’idée d’aider un bel homme dans la force de l’âge. Ça ne plaît pas trop à Hunding qui n’en laisse rien paraître, mais qui demande tout de même à l’arrivant de décliner son identité, de montrer ses papiers et la carte grise du cheval garé dehors (je déconne, il n’a pas de cheval, il a marché).

Siegmund — c’est son nom — préfère se présenter sous un autre nom. Pourquoi ? Parce que ç’aurait été trop simple. Siegmund, l’inconnu donc, dit s’appeler « Wehwalt », « Voué au malheur » et pas « Friedmund », « Messager de la paix ». Soit. Ok. Comme il veut. Mais, EN FAIT, on le connaît sous le nom de « Wölfing » (« jeune loup »). Je vois que je fais déjà une entorse à ma contrainte de ne vous dire les choses qu’au fur et à mesure qu’on les apprend dans l’opéra, mais je sens que sinon, je vais pas m’en sortir. Et puisque je suis dans le spoiler, Siegmund est en réalité le fils de Wotan, le Dieu des dieux et Sieglinde est sa sœur jumelle. Leur mère, j’ai pas de précision dessus. Une humaine, sûrement ? Notez que Wotan, mari adultère, a épousé Fricka, gardienne des liens sacrés du mariage. Voyez l’ironie…

Je résume. Nous avons Wehwalt (ou Wölfing) (en fait, Siegmund), un inconnu. Nous avons Sieglinde, la femme de Hunding. Nous sommes chez Hunding qui n’a pas l’air commode. Il est plus tiroir (badam tchak !). Wehwalt raconte alors son histoire : il est né d’un loup (ou son père s’appelait Loup — Wolfe —, j’ai un doute) comme sa sœur jumelle. Un jour, revenant de la chasse avec son père, la tanière est vide : sa mère est morte au milieu de cendres, et sa sœur a été enlevée. Un coup d’Émile Louis ? Non ! Ce sont les Neidinge derrière ce drame humain. Qui sont les Neidinge ? On ne sait pas. L’histoire s’arrête là. Mais a priori, on peut en déduire sans trop se mouiller que ce n’est pas un peuple super sympa de prime abord. La vengeance restait tout de même sur les lèvres de Wehwalt et son papounet et après des années de traque, malheur : le père et le fils se séparent. Ils ne se retrouveront pas. Wehwalt a perdu Loup, son père… Mais, nous dit-il, il a retrouvé une peau de loup. Hum. Dans la forêt. Quelle surprise ! Pas très fute-fute, le Wehwalt.

« Tout ceci ne raconte pas comment tu te retrouves chez moi », commence à s’énerver Hunding, qui n’en a un peu rien à foutre de l’histoire de Wehwalt et qui a bien envie de retirer ses bottes et de s’allumer une bonne pipe à crack. Sauf que Sieglinde, la gourgandine, boit les paroles de l’inconnu plus trop inconnu et veut en savoir plus : pourquoi est-il arrivé chez eux, blessé et sans armes (ce détail n’a en réalité que peu d’importance, mais semble fasciner Wagner dans son livret) ?

Wehwalt s’explique : un enfant lui a demandé de venir en aide à une jeune fille qui allait épouser un homme qu’elle n’aimait pas. Après s’être battu comme un beau diable, Wehwalt a cassé ses armes pendant le combat, les villageois ont tué la fille et lui il a dû s’enfuir.

Mais pas de bol pour Wehwalt (en même temps quand tu t’appelles « voué au malheur », faut pas trop croire à la Vierge, surtout dans une légende folklorique allemande), il se trouve qu’Hunding est du clan qui a lapidé la fille en question, qu’il a trouvé ça tout à fait normal et qu’il allait venger les pertes humaines dues à Wehwalt. Conclusion : Hunding compte bien mettre sa race à Wehwalt. Mais demain. Parce qu’en bon hôte, il a promis une nuit de repos au blessé et il ne compte pas revenir sur sa parole. La noblesse a sa façon d’être qui peut échapper au roturier.

Intérieur. Nuit. Wehwalt est dans sa chambre décorée de trophées de chasse. Ici, on apprend une nouvelle chose : le père de Wehwalt lui a promis une épée super costaude et qu’il la trouverait un jour de « détresse ultime ». Ça tombe bien : il est blessé, sans armes et bientôt mort. On a rarement vu une détresse plus ultime.

C’est alors que Sieglinde frappe à sa porte. Elle a carrément drogué son mari. Elle raconte à son tour son histoire : elle a été offerte à Hunding par des brigands. Le soir de ses noces imposées, un vieillard est venu chez eux et a planté au milieu d’un tronc de frêne une épée. De sacrés gaillards ont tenté de la récupérer, jusqu’ici personne n’a réussi. Excalibur inside. Sauf que les Allemands sont un peu plus malins que les Anglais : essayez de faire rentrer une épée dans un gros caillou, vous comprendrez. Ce vieillard, vous l’aurez reconnu, c’est le père de Siegmund.

Ici, je tire le rideau une minute, car Sieglinde et Wehwalt vont un peu coucher ensemble et j’ai envie de cacher nos regards de cet ardent désir qui les saisit. Mais avant, Sieglinde dit à Wehwalt alors qu’il fait son affaire : « tu n’es plus Voué au malheur, maintenant, tu es Messager de la paix (Friedmund), je t’appelle alors Siegmund ». L’autre : « J’adore, ok, je m’appelle Siegmund ». Sieglinde : « Et ton père était un loup ? ». Siegmund : « Non, je déconnais, il s’appelait Wälse ». La femme : « Tu es donc un Wälsung ! Alors l’épée dans le tronc d’arbre est pour toi ». Siegmund : « Cool, je vais l’appeler Notung, épée de détresse ».

Ils ont quand même une grande passion pour donner des noms à tout et n’importe quoi, ces cons.

Sieglinde : « Ah ! Tu es Siegmund ?! » s’étonne-t-elle, alors que c’est elle qui vient de le baptiser ainsi. (Les personnages chez Wagner ont une mémoire de poisson rouge.) Siegmund : « Oui, je suis Siegmund ! » (il ne comprend pas plus vite). Sieglinde : « Bah, c’est fou, ça, je suis ta sœur ! ». Siegmund : « Cool ! et maintenant on couche ? »

Fin de l’acte I.

Et dire que je voulais faire court.

Les Grandes erreurs du marketing (14) : le retour de la traduction

Quoi de mieux que de se reposer sur les autres pour me filer des idées pour mon blog ? Bah voilà. Grâce à lafillelabas, je peux vous offrir un nouvel épisode de notre célèbre série des Grandes erreurs du marketing. Et à l’heure des soldes, amusons-nous encore avec les plus belles traductions de notre enfance grâce au géant de l’ameublement, non pas Ikea, l’autre (qui est aussi détenu par Ikea remarquez), Habitat.

Par exemple, comment traduiriez-vous « Love Your Home » ? Hein ? C’est une question. Habitat répond avec habileté : « Love Your Home » se traduit par… mais regardez plutôt :

loveyour.jpg

Voilà. On le traduit par « Love Your Home par Habitat ». Si ce n’est pas l’application claire et nette de la loi Toubon, je ne sais pas ce que c’est.

Mais Habitat nous offre un peu plus encore. On pense que les textes sont relus en France, mais pas du tout. En fait, ils sont moulinés dans le traducteur automatique de Google et ça nous donne un beau résultat :

habit_1.jpg

« Vous êtes entre de bonnes mains », nous promet-on, « Le site web Habitat vous permet, en un seul clic, d’acheter de beaux et innovants produits ». Je suis fan des innovants produits pour ma part. L’encart Chèque Cadeau est lui aussi magnifique :

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Un chèque ? Une chèque ? Mon cœur balance et celui du rédacteur avec.

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On appréciera tout particulièrement l’absence d’accent sur le « Montage a domicile », et les répétitions sympathiques (« montage » / « monter », « aide » / « aide »…), avant d’admirer les « Retours » qui sont gratuits « selon les conditions générales présentent sur le site web pour ». C’est un peu comme si on avait voulu écrire une phrase puis qu’on avait passé les mots dans un mixer géant.

Sur ce, vous laisse je, vos parents amitiés mes à.

Les Grandes erreurs du marketing (13) : la traduction audacieuse

Comme je suis un être pur qui milite en faveur de toutes les ONG au monde, je suis bien évidemment contre le trou dans la couche d’ozone, contre la déforestation de l’Amazonie, contre la malnutrition (en Afrique exclusivement), contre le travail des enfants, contre la disparition des grands pandas de Chine et, par extension (cherchez pas), contre la malbouffe.

Conclusion : moi au MacDonald’s ? Et pourquoi pas violer un chaton mort avec des vers qui sortent du museau ? (Je trouve cette image très forte au petit déjeuner.)

Tout le monde n’a pas mon humanisme et j’ai même des amis qui vont manger dans des fast-foods de la porte de Champerret. On ne m’y prendra pas.

Bref.

En ce moment, chez MacDo (putain, vous ne pouvez pas imaginer comme ça me file faim de parler de ça à 6 heures du matin), il y a (ça ouvre à quelle heure le MacDo ?) une opération (il y en a un à Denfert, c’est à dix minutes) promotionnelle (on peut y aller en slip ?) pour gagner des cadeaux (je vais prendre trois MacDeluxe) et notamment des trucs gratuits (et des nuggets) comme des hamburgers ou une grande boisson (c’est bon, ça, les nuggets) dans le cadre de l’achat (ou le KFC ?) d’un double menu géant (un bucket ?).

Donc, c’est une carte à gratter qui ressemble à ça (photos © krstv qui m’a envoyé ce scoop) :

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« Monopoly Reload » lit-on. Vous le savez, en France, on n’a pas le droit depuis au moins Toubon et peut-être même avant, d’écrire en langue étrangère dans un message publicitaire sans astérisquer (quoi ? tu connais pas ? c’est le verbe dérivé du nom, c’est très commun, merde, sors de devant ton ordi !) le vocable exotique pour le traduire en bon français bien de chez nous. C’est ce qui fait que les pubs pour Eurodisney pour un public touristique sont bardés de renvois hexagonaux en bas de page.

Chez MacDo, on se plie à cette obligation de bonne grâce. Société internationale de 400 000 employés à travers le monde (sans compter probablement les franchises), la firme sous-traite sa com à The Marketing Store qui « ne vise pas des consommateurs » mais qui « est inspiré par eux ». Et l’inspiration a été (très) grande pour traduire « reload » :

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« Reload » est devenu « re-booster ». Non seulement, la traduction n’est pas bonne, mais en plus, ils utilisent un autre mot anglais(*).

C’eut été drôle, mais The Marketing Store n’est pas connue pour son humour, qu’un autre astérisque nous renvoie vers une autre traduction, genre « Re-booster = re-increase » et ainsi de suite.

Notons que sur le site US de McDonald’s, la promo, c’est : « Monopoly is back! and the odds are better than ever ». Aucune mention de « reload » nulle part. Acclamons donc le Dieu du marketing capable de tels miracles d’approximation.

Bon, et il est sont où mes burgers ?

PS : En rédigeant cet article et pour des raisons complètement stupides, j’en suis venu à vérifier les infos trouvées et j’ai découvert que MacDonald’s a son siège social « 1 McDonald’s Plaza » dans l’Illinois (salut Sufjan). Dingue, non ? Je ne résiste pas à vous montrer le bâtiment principal qui me fait rêver :

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(*) Certes, je concède que « booster » est dans le Robert depuis longtemps mais avec les définitions : « synchrotron injecteur d’un accélérateur de particules », « Propulseur externe auxiliaire destiné à accentuer la poussée des engins spatiaux » et « amplificateur accroissant la puissance d’un autoradio » avec pour chaque définition une recommandation officielle en français.

Les Grandes erreurs du marketing (12) : l’autopromo masquée

Disclaimer : ce post est long et chiant (et non y a pas de contrepèterie ici).

Il y a bien longtemps, alors que la majorité des gens sur Twitter aujourd’hui tétaient leur biberon à la térébenthine, j’étais déjà sur Internet à arpenter les arcanes du savoir universel. On allait sur les forums de discussions, les « newsgroups », pour discuter avec ses potes autour d’un sujet de conversation donné : les animaux, la musique, la littérature, la langue anglaise… Moi, j’étais sur fr.rec.cinema.discussion, le newsgroup consacré au cinéma. Il y avait une ribambelle de connectés et nous devisions brillamment des œuvres majeures du septième art et ces milliers d’octets de discussions sont dorénavant perdus à jamais dans les limbes de l’internet. Inception staïle.

Un peu comme sur Twitter aujourd’hui, il y avait les cadors, ceux qui parlaient beaucoup plus fort que les autres et qui avaient une cour versaillaise derrière eux prête à mordre le jarret des importuns. Et, comme on n’était pas vraiment limité à 140 caractères les conversations s’éternisaient et les citations intégrales s’accumulaient jusqu’à ce que — par ras-le-bol — on ne lâche l’affaire.

L’un d’eux, particulièrement prolixe et qu’on appellera YR pour se prévenir des potentiels référencements malencontreux, pouvait tanner quelqu’un des heures pour avoir osé dire qu’il appréciait un film que lui-même considérait comme nul. La demi-mesure n’existait pas dans son vocabulaire et il a mis son talent d’emmerdeur professionnel au service de la grande littérature : les essais cinématographiques.

Jusqu’ici, il en a rédigé deux. Le premier sur Woody Allen « dans un style simple et clair », le second sur la mise en scène au cinéma « dans un style simple et précis » (il a été invité la semaine dernière sur Radio Courtoisie pour en parler) :

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Je ne vous les conseille pas, mais ce n’est pas vraiment là où je veux en venir.

Ses livres sont disponibles sur Amazon. Et dans les jours qui suivirent la sortie de son premier opus sur Woody Allen en 2006, trois commentaires particulièrement élogieux sont apparus, l’un de l’éditeur et deux d’internautes dithyrambiques :

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« Ouvrage pertinent » et « à marquer d’une pierre blanche ». Je connais le bonhomme, c’est un peu improbable, mais après tout, il a ses fans. Et même si Jean Lomi et Gédéon Parmesan n’ont jamais écrit qu’un commentaire chacun, rien n’indique qu’il s’agisse d’YR dans un geste d’autopromotion de seconde catégorie.

Depuis, plus rien n’avait été écrit sur ce bouquin. Mais un internaute, face à une telle logorrhée, s’est décidé à l’acheter (je ne sais pas qui c’est) et la semaine dernière, il le commente sur Amazon pour se dire « très déçu » :

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Le même jour débarque un certain Zelig — qui avait jusque là publié sept commentaires (dont une descente en flamme d’Un Prophète) (et qui devait probablement faire de la veille quotidienne sur ce livre en particulier) — pour assassiner le malheureux lecteur :

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Puis Zelig se dit qu’il est temps de pondre un autre commentaire dans un style « simple et clair et précis » et bien sûr, il va sur la page de l’autre livre d’YR et nous sort une analyse fracassante :

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Évidemment, on se demande si ce Zelig ne pourrait pas être lui-même l’auteur du livre, ce fameux YR. Mais comment en être sûr ? C’est peut-être un défenseur des grands essais de génies incompris après tout. Alors, en regardant les sept autres commentaires de Zelig, on tombe sur celui-ci :

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qui ressemble étrangement à la chronique de la même vidéo sur un journal musical en ligne et signé par… YR lui-même :

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Le mec qui s’auto-félicite de sa propre production en se faisant passer pour un internaute lambda et qui en profite pour insulter le goujat qui n’a pas su apprécier son œuvre, je dis : « grande classe ».

Les Grandes Erreurs du Marketing (11) : Orange, le réseau tout pourri

Dans ma série des grandes erreurs du marketing, je ne sais pas si vous avez vu cette grande campagne d’affichage dans les rues pour le réseau 3G+ d’Orange. On voit un panneau noir (classique) et au centre en lettres orange (re-classique), on lit : « Youpi ! ». Un petit astérisque sur le côté explique la raison de cet émerveillement (et Dieu sait qu’il y a de quoi !), c’est qu’Orange a été élu meilleur réseau en France pour la 3G par l’ARCEP, l’autorité de régulation des téléphones que l’État contrôle, tout comme (encore un peu) Orange. Bon, le PDF en lien ci-joint n’a strictement aucun intérêt puisqu’à base de formules compliquées qui font mal au crâne, mais le bilan est là : comme par HASARD, Orange est le MEILLEUR opérateur et en a tiré sa campagne de pub : « Youpi ! Nous sommes les meilleurs ». Orange a même envoyé un SMS à tous ses clients : « Vous avez raison de préférer Orange. Nous offrons le meilleur réseau mobile en couverture et en qualité de service en France métropolitaine selon l’ARCEP ». Genre.

Chez moi, à Paris, dans mon appartement, on ne capte pas en 3G et à peine en EDGE. Pire : quand le réseau bascule de 3G à EDGE, on perd systématiquement la communication. Pratique ! Orange accuse les murs qui bloquent la toute gentille 3G qui veut passer. Ok, ok, soit. Mais pendant mes vacances, j’étais sur la terrasse d’une maison dans un bled « 100% couvert » selon le site même de couverture d’Orange. Pour le coup, qu’on ne vienne pas m’arnaquer avec les murs. Et avec mon iPhone 3GS chez Orange, je ne captais rien tandis que le même téléphone chez SFR affichait un insolent « cinq barres » en 3G. Bref. En hommage à cette campagne de pub et ce réseau de daubasse pourri à la pisse de chat d’Orange, j’ai fait une compil’ de la qualité du réseau qu’on a chez Orange quand on est couvert en 3G « à 100% » selon l’ARCEP. Enjoy.

Orange, le réseau de merde

Mon conseil : si jamais un jour vous voulez un téléphone portable avec la 3G, évitez Orange.

Rhin en commun

« Quand j’entends Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne », disait Woody Allen. Ce à quoi Wagner répondait : « C’est pas un juif new-yorkais même pas né qui va m’apprendre à faire de la musique ». Car oui, Wagner était antisémite. Mais il faut ajouter quand même qu’à son époque, c’est plutôt l’inverse qui était rare. D’ailleurs, on rapporte que la seule population qui n’était pas antisémite s’appelait « les Juifs ». Wagner était un peu fou aussi. Après avoir composé L’Or du Rhin, il a écrit à Liszt des choses aussi étranges que « jusque-là mon être s’était maintenu parce que les deux éléments antagonistes du désir arrivaient à s’équilibrer en moi ». Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, mais L’Or du Rhin est à tout point de vue un opéra magistral, écrit moitié à l’encre moitié au Panzer.

Je te raconte en deux secondes. Si, si, ça t’intéresse.

Les trois filles du Rhin surveillent l’or du Rhin. Mais « surveiller » pour ces nymphes, ça veut dire surtout dire « nager et sautiller dans l’eau ». Et pendant qu’elles jouent les Muriel Hermine, voilà que débarque le nain Alberich (qui vient du Nibelung). Il s’entiche des filles, tente une connexion avec Chatroulette… mais l’une après l’autre, les trois garces cliquent sur « Next ». Courroucé par tant de mépris, Alberich vole l’or pendant que Wellgunde coiffe Woglinde qui regarde Flosshilde lire le blog de Perez Hilton. Parce qu’avec l’or, il peut faire un anneau qui le rendra super super suprapuissant. Mais pour le forger, il doit renoncer à l’amour. C’est le prix que coûte cet or. Mais comme c’est un nain très moche, il renonce à l’amour. Cut.

Scène 2, acte 1. Wotan glande tranquille avec sa femme Freiza, il attend que Falstof et Fafner, les deux géants verts qui bouffent du maïs aient fini de construire son château. Pour les remercier d’avoir bien bossé, il leur a promis (comme un con) Freia, la gardienne des pommes de l’éternelle jouvence. Autant dire que perdre les pommes quand tu es un dieu, c’est un peu comme si tu étais Superman et que tu te baladais avec un collier en Kryptonite. Quand les deux géants demandent Freia en paiement, Wotan appelle Loge, le demi-dieu du feu et très fort en fourberies, pour lui demander de négocier un autre prix avec Fafner et Fasolt. Ce que Wotan ne sait pas (car il n’est décidément pas ultra-malin), c’est que Fafner et Fasolt (enfin, surtout Fafner, mais si je rentre dans le détail, je vais t’embrouiller, je le sens), veulent détruire les dieux. Et c’est pour ça qu’ils veulent Freia. Car sans les pommes, les dieux dépérissent. Du coup, il est difficile de trouver quoi que ce soit d’équivalent. Mais, Loge a une idée trop maligne : il a rencontré les filles du Rhin qui ont tout balancé sur Alberich, et qui réclament qu’on leur rende l’or. Du coup, il propose aux géants le trésor d’Alberich, puis d’en profiter pour choper l’anneau et la rendre aux filles du Rhin. Pouf, tout est bien qui finit bien.

Loge et Wotan partent dans le Nibelung, rencontre Alberich (qui est devenu un vrai connard à cause de l’anneau et un heaume magique qui le rend invisible), le capture et lui dérobe son trésor, son anneau, l’or du Rhin et le heaume. Tout, en quelque sorte. Le nain, il ne lui reste même plus un slip propre. En sortant, les géants reviennent et acceptent de troquer Freia contre tout le trésor (ce qui inclut l’anneau et le heaume). Mais Alberich a maudit l’anneau quand il l’a perdu. Du coup, Fafner terrasse Fasolt qui voulait garder l’anneau pour lui tout seul. Le con. Wotan (qui le voulait aussi au départ, mais qui a eu une vision lui conseillant de lâcher l’affaire) lance un terrible : « Je crois que cet anneau est vraiment maudit » (il faut dire que le type est assez lent) (même s’il est un dieu). Puis il va chercher sa femme et les autres et ils vont dans le château construit au début, parce que maintenant qu’il a payé, les géants lui ont refilé les clés. Château qu’il baptise Walhalla. Fin.

Ainsi, il y a moins de deux heures trente, j’étais à l’Opéra Bastille en train de descendre les marches de l’orchestre pour accéder à mon siège, et j’ai découvert dans le public quelque chose que je connaissais mal, la grande bourgeoisie en représentation, comme dans un récit du XIXe siècle. En effet, derrière moi, il y avait un grand patron français issu de l’une des deux cents familles de notre pays qui possèdent 80% des richesses. Jusqu’ici, quand je suis allé à l’opéra, j’ai bien vu que le public était plutôt issu des classes sociales élevées (ça, c’est juste pour ne pas écrire « pété de thune »), mais semblait (en tout cas, autour de moi) venir par plaisir.

Or, cette rangée derrière moi ne semblait pas être là pour venir voir l’opéra, mais par obligation, parce qu’il fallait venir voir ce spectacle. C’est déjà assez consternant de découvrir que Pierre Bergé a lancé un genre de souscription « Les Amis du Nibelung » (non, il n’a pas osé : ça s’appelle en réalité « le cercle des amis du Ring ») que tu paies (très) cher (c’est mieux) et comme ça, on te garantit les meilleures places quelle que soit la représentation (place déjà hors de prix), mais encore faut-il se fader toute cette grande bourgeoisie venue parader en costume cravate sur les meilleurs fauteuils.

Donc, derrière moi, ce grand patron (alors je sais pas de quelle boîte, hein, je le dis tout de suite, mais c’était un gros bonnet, j’ai le nez pour ça) était donc installé face à la scène avec sa femme, l’amant de sa femme, l’épouse de l’amant de sa femme, et sensiblement tout les membres du conseil d’administration qui venaient les uns après les autres lustrer cinq minutes les chaussures du grand chef. Quand l’opéra a commencé, ce dieu de l’industrie a bâillé, sa femme a oublié d’éteindre son portable (qui a sonné bien entendu) et les gens du conseil d’administration se jetaient des regards noirs pour savoir lequel allait le premier sauter sur Gros Bonnet dès le spectacle fini afin de lui faire part de son impression.

Et la, grosse révélation pour moi : le grand patron au centre pour ces tontons mafieux, c’est leur Justien Bieber, je te jure. Ils se massacreraient pour lui dire bonjour, avoir sa photo ou lui parler. Je suis même sûr qu’un des mecs du conseil d’administration s’est promis qu’il ne se laverait plus la main depuis qu’elle a effleuré celle de Gros Bonnet. Lorsque le rideau s’est abaissé, Gros Bonnet a commencé à regarder avec une intensité rare son iPhone pendant que les spectateurs anonymes applaudissaient. C’est alors que Lèche-Cul Premier a surgi devant lui tandis que Lèche-Cul Second se mordait intérieurement très fort la lèvre supérieure tout en écrasant les phalanges de la main gauche de son épouse qui arborait un sourire factice de composition.

« Alors, alors, alors, euh, j’veux dire, euh, alors, alors, euh, j’veux dire, euh, vous avez aimé, vous ? euh, j’veux dire, le spectacle, parce que, euh, vous, vous en avez quand même vu beaucoup, vous, des Ring, hein, n’est-ce pas, hein ? mes respects, m’sieur », a bafouillé Lèche-Cul Premier. Gros Bonnet a souri en levant un sourcil et a dit : « oui, oui, très bien ». Il s’est levé, il a claqué des doigts vers sa femme, et il est parti.

À cet instant, j’ai bien vu qu’il portait à l’annulaire un anneau forgé en or. Et que tout le conseil d’administration que j’avais cru jusque-là fasciné par Gros Bonnet n’avait en réalité d’yeux que pour son précieux.

Les Grandes erreurs du marketing (10)

Quand on descend la rue de Gaîté, on passe devant un sex-shop où on lit en grandes lettres dorées : « Du distributeur au consommateur ». J’imagine que le gérant pense qu’on se dit qu’on s’y retrouve niveau fric. Est-ce que c’est vraiment vendeur pour des cabines de projection avec « un choix de 3000 films pour un euros » ? J’ai des doutes.

Mais de toute façon, aujourd’hui, je vais vous parler yoghourt. C’est peu de le dire, mais s’il y a un endroit où le marketing sait faire des ravages, c’est bien dans l’industrie agroalimentaire du lait caillé. Et les yaourts sont, à ce titre, les champions toutes catégories. Et vas-y que je te fous du bidifus actif dedans et que si tu en bouffes des plâtrées entières pendant six mois, tu vas plus te reconnaître tellement t’auras la tronche d’un type qui a passé quatre ans dans Koh Lanta. Pis, y a l’autre, là, le lait ultra-concentré qui « renforce nos défenses naturelles » et qui empêche mamie d’attraper la grippe (aviaire ou pas). N’oublions pas non plus les magistrales Mousses de crème et autres Perles de lait, une véritable leçon.

C’est fou, le yoghourt, je crois que je pourrais en parler des heures, si ce n’est des années.

Or, donc, et par conséquent, tout à l’heure, j’étais à l’intérieur du Monoprix de Montparnasse en train de faire mes courses. Je t’ai dit ? Un jour j’y ai croisé le sosie (ou était-ce lui ?) de Domenech ! Véridique. Enfin bon, j’arrive au rayon des yaourts et, là, je suis comme d’habitude assommé par le choix délirant : un nombre de variétés qui se compte à mon avis par milliers.

Je m’élance tel un seul homme et me saisit d’une boîte de quatre pots d’Activia saveur Vanille. Activia, c’est Danone, c’est celui avec le bifidus actif dedans, d’ailleurs. Sur le côté du paquet, écrit en très gros, je lis :

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Voilà une bonne nouvelle ! Oui, parce qu’il faut savoir que si le yaourt fait autant de bien à l’organisme, il fait beaucoup plus de mal à la planète avec ses emballages poisseux et pire encore ses suremballages.

Le champion dans la catégorie, je crois que c’est Bonne Maman avec sa collection de biscuits (tartelettes, madeleines…) : chaque gâteau est minutieusement emballé sous un film plastique. Une véritable leçon de développement durable.

Mais revenons à mes yaourts : Activia supprime ainsi ses suremballages « sur les lots par 4 ». « À la bonne heure », je me dis, « la pratique du suremballage permettait principalement aux gens de ne pas découper les yaourts pour n’en prendre que deux et demi, ils ont dû se dire que ce n’était plus la peine, mais bon ils les laissent sur les paquets de huit, quand même, on n’est jamais trop prudent : si ça se trouve, un con pourrait casser un paquet de huit pour en faire un de six et un de deux ». Ma réflexion faite, je glisse le lot dans ma panière et je jette un œil rapidement sur le renvoi après l’annonce, juste derrière le « 4 ». Et je lis :

* Sauf sur les lots conservant leurs suremballages

Les bras m’en sont tombés, Monsieur Jourdain. Activita supprime les suremballages de ses lots de quatre sauf quand elle ne les supprime pas. L’intérêt de cette précision dépasse à mon sens l’entendement de l’intelligence humaine et il faut être ou très con ou s’appeler Morandini pour que cela puisse ne serait-ce que sembler un minimum pertinent. Mais, ça ne s’arrête pas là. Juste après, une seconde précision tout aussi utile :

* Sauf sur les lots conservant leurs suremballages et sur les lots existants déjà sans suremballage.

On ne saurait mieux dire. Si cette précision a très certainement une raison d’être légale, on se dit qu’atteindre ce degré de connerie dans l’enfoncement de portes ouvertes n’est pas donné à tout le monde. Et je comprends mieux pourquoi il faut faire de grandes écoles prestigieuses et ô combien coûteuses pour atteindre ce nirvana de la réflexion et toucher du doigt le Walhalla du marketing : la joie de prendre le reste de la planète pour des abrutis.

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Océans : Foirage Total

Autant l’avouer, même dans mes rêves les plus fous, je n’ai jamais imaginé avoir aussi peu d’idée pour écrire pour mon blug. Il faut dire qu’en ce moment, j’ai la présence d’esprit d’un pit-bull, alors forcément, ça n’aide pas. Tiens, la semaine dernière, par exemple, j’ai rêvé que j’étais dans le métro qui va vers Villejuif, dans un wagon chargé de toxicos (ce qui est complètement con parce que les toxs vont plutôt à Marcadet Poissonniers ou Max Dormoy) dont certains étaient piqués au cou (genre, des vampires, quoi), et qu’ils n’étaient pas vraiment super open à l’idée que je descende de la voiture. Tu parles que ça aide pour avoir envie d’écrire des trucs.

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Hier, en revanche, je suis allé voir Océans (Ocheunns, comme je l’ai dit à la caissière parce que je suis très malin). Ce chef d’œuvre de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud nous montre pendant une heure et demi de la bouffe à l’écran. J’adore les films d’ambiance avec de jolies images devant le nez, encore faut-il qu’il y ait une trame scénaristique un tout petit peu consistante, d’autant que là, ils s’y sont mis à sept pour l’écrire. Autant le dire de suite : on ne trouve pas l’ombre du début du commencement de la moindre conception d’embryon d’idée dans la succession d’images du film. Ça commence par un reptile qui monte sur un caillou après qu’on a vu des rouleaux de vagues successifs s’écraser sur la côte, une ribambelle de gamins qui court dont un aux cheveux blonds et au teint pâle qui s’arrête face à la mer et la voix off commence : « Mon petit-fils, qui est un peu génial sur les bords, m’a posé cette question géniale elle aussi : ‘papy, mais qu’est-ce que c’est que l’océan ?’ L’océan, l’océan, comment te répondre mon petit, c’est tellement vaste comme question que… non, non… ne dis rien, je… comment dire ?… j’ai mal à ma mer ». Je crois que c’est après que débute le générique, générique qui consiste en une longue liste de sponsors et de participations dont (tiens toi bien) la Fondation Total. Non mais QUOI DE MIEUX pour s’acheter une conscience verte que de participer à un film sur le littoral breton ? Et bien rien. Quand arrivera l’histoire de l’homme dans la narration (comme toujours, ces films disent : la nature, c’est beau, l’homme fait caca dedans, la nature meurt), on aura le droit à une superbe vue satellite des côtes (il se trouve que l’agence spatiale française a filé des images, et il aurait été terriblement triste de ne pas s’en servir quand même) avec les ravages de la pollution : « L’homme, ce salopard fini à la pisse, pourrit les fleuves avec sa pollution, et ce poison coule dans les veines de l’océan » et pas un mot, PAS UN MOT (je gueule parce que ça m’agace fortement), PAS UN MOT, donc, sur les marées noires.

Mais, en revanche, l’ami Jacques nous explique quelques minutes après que lorsque l’océan se démonte et se déchaîne et que l’homme sur ses frêles embarcations doit lutter contre lui, parfois, et c’est triste, mais parfois, le bateau est emporté par une lame de fond, bateau qui heureusement deviendra un squat à poiscailles. C’est qu’on va quand même pas se mettre à dos un si gentil actionnaire.

Ça sent que ça me révolte ? J’ai des combats nobles, pour sûr. Ensuite, Jacques arrive, prend la main de son petit fils, l’emmène dans un genre de musée d’histoire naturelle artificiel où des orques, des épaulards, une baleine, des phoques, et des tas d’autres bestioles sont empaillés. Et là, dans un élan de dénonciation extravaguant, on voit chaque animal et Perrin nous dit : « exterminé, exterminé, lui aussi exterminé, et lui ? exterminé, ça aussi, il faudra que je lui dise [à son petit-fils] » et pouf, un plan du petit fils avec en contre-plongée son papy qui lui tient la main par l’épaule (à la relecture, je pense que je voulais dire « qui lui pose la main sur l’épaule »).

Non, vraiment, c’est très fort comme film. Par la suite, l’ami Perrin nous emmène au pôle sud et nord, pour nous causer deux minutes de fonte des glaces. On voit un ours polaire de loin qui a faim, alors dans la salle on est triste (c’est vrai que la famine, ça ne touche que les animaux), puis il nous raconte qu’on peut vivre en harmonie avec les animaux, qu’il y a même des gens qui « explorent les fonds marins avec respect », texte agrémenté de plongeurs qui font chier des mérous et qui prennent des notes genre : « oui, c’est bien un mérou ». Et pour finir, on revoit encore des baleines, puis des dauphins qui dansent la farandole, et on termine par le même reptile qu’au début et j’avoue qu’on ne comprend pas bien pourquoi mais Jacques, lui, il s’en fout, il a une mission.

Et, tiens, j’avais oublié, ça, mais il faut en parler : les bruitages (je ne parlerai pas de la musique atroce de Bruno Coulais – que le diable te maudisse). Qui a déjà foutu la tête sous l’eau sait parfaitement que quand un poisson passe à côté de toi, le poisson fait « fischhhhhhhhhhhhhh », s’il recrache de l’eau par ses branchies ça fait « bloup bloup », si un crabe marche sur le sable à quinze mètres de profondeur ça fait « krsch krsch krsch krsch » et si une araignée de mer rampe sur une autre araignée de mer ça fait « tchik tchik tchik tchik tchik ». Merveilleux.

À minuit trente, avec toutes ces belles images dans ma tête, j’étais ému aux larmes, je rentre dans le wagon de la ligne 4 qui part vers Tombouctou (Montparnasse, quoi), et j’ai dû descendre à Saint-Placide car un type alpaguait un mec à côté de moi promettant « qu’il allait le suivre quand il sortirait du métro et qu’il allait lui casser la gueule ». Comme je ne suis ni courageux et encore moins téméraire et que le type se tournait vers moi et m’interpellait : « mon frère, toi, t’es sympa, tu m’réponds, pas comm’l’aut’enculé d’sa race, je vais lui marave sa tête de connard », j’ai jugé plus malin de remonter la rue de rennes plutôt que de risquer quoi que ce soit. Ou alors était-ce un rêve ?