Bon sang ! Quand je pense que mon projet initial, c’était d’être le premier mec au monde à résumer l’intégrale de l’Anneau du Nibelung en moins de 140 caractères. Et regardez où j’en suis rendu : quatre articles pour réussir à raconter les deux premiers opéras. Où va le monde, ma bonne dame ? Où va le monde ?
J’aurais pu simplement dire : « vous voyez Le Seigneur des Anneaux ? Vous avez l’Anneau du Nibelung ». Mais non, tiens. Chapeau moi-même.
C’est donc la mort dans l’âme que je continue. Sans trop savoir pourquoi, d’ailleurs. L’épisode précédent, c’est ici.
L’acte trois débute « au sommet de la montagne rocheuse ». Je vous rappelle que Brünnhilde s’est enfuie avec Sieglinde, que Wotan a jeté une malédiction sur Brünnhilde pour ne pas avoir suivi son ordre : laisser son propre fils, Siegmund, se faire tuer par Hunding, l’ex-mari de Sieglinde (sœur jumelle de Siegmund) qui attend dorénavant un enfant de son frère (on va le savoir dans pas longtemps). Bonjour la consanguinité.
Nous voici donc « au sommet de la montagneuse rocheuse » (bravo Wagner pour le pléonasme, bravo moi-même pour la répétition) et toutes les Walkyries s’attellent à la tâche qui leur est imposée : peupler le Walhalla des plus féroces guerriers qui se sont illustrés sur le champ de bataille afin de défendre ce mirifique lieu construit par les géants frères (et pas verts) Fafner et Fasolt (qui a été tué par Fafner rapport à l’anneau forgé par Alberich). Rappel pour les étourdis : l’anneau est toujours dans les mains de Fafner (qui en tant que géant ne peux pas le mettre à son doigt, mais ça, limite on s’en fout).
Instant « Le saviez-vous » ? C’est ici qu’on entend la musique d’Apocalypse Now quand les hélicoptères partent pulvériser du Nuoc-mâm sur les Vietcongs. Je me suis souvent demandé comment Wagner avait fait pour s’en inspirer puisque la première de son opéra avec ce thème date de 1870 alors que le film de Coppola est sorti au cinéma 109 ans plus tard. Un mystère que je ne m’explique toujours pas.
Voici donc Brünnhilde qui entre sur scène avec Sieglinde tandis que les autres Walkyries ramassent des guerriers pour leur redonner vie et les emmener au Walhalla. « Walkyries » qu’elle appelle « ses sœurs » ce qui va à mon sens dans l’idée que c’est bien Wotan le papa des huit Walkyries. Erda a dû bien rire, si c’est elle qui les a toutes portées… À moins que ce ne soit les prémices de l’Octomom ? Auquel cas Wagner est vraiment un putain de visionnaire, ce qui ne m’étonnerait pas.
(Notez que j’espère pour Brünnhilde, qu’on ne lui a jamais donné le biberon par la tête comme le fait le fils de l’Octomom).
Toutes s’esclaffent : « Tiens, revoilà not’Cendrillon, alors elle nous a ramené quoi cette fois-ci à la place d’un guerrier… Un faon comme l’autre fois ? Ou un pingouin ? Ah non, une femme ». De son côté Sieglinde est fort malheureuse : « Ne te tourmente pas pour moi », dit-elle à celle qui s’est parjurée pour la sauver, « je n’attends que la mort ». SYMPA. Genre, je me fais chier, je me fous dans la merde pour toi, je me brouille avec mon reup, et toi, tu veux quoi ? Sucer les pissenlits par la racine ? Grosse vache.
Donc, Brünnhilde explique que c’est pas tout à fait possible qu’elle meure pour la simple et bonne raison qu’elle attend un enfant. « Ah bon ? T’es gynéco ? T’as fait une échographie ? KAISSTANSÉ ? », répond Sieglinde, bien étonnée. Les autres Walkyries qui scrutaient l’horizon voient Wotan arriver avec beaucoup de bave aux lèvres et préviennent Brünnhilde du danger. Sieglinde, qui aspirait à la mort à peu près trente secondes auparavant, chie d’un coup dans son froc : « Non, mais j’ai dit ‘je veux mourir’, genre, comme ça, mon frère est mort, ça m’a rendu un peu triste, mais en vré j’ai pas super envie, hein, et pis maintenant, j’attends un enfant, fais quelque chose, Brünnhilde, j’t’en prie ».
Brünnhilde conseille alors à Sieglinde d’aller chez Fafner, enfin, pas d’aller le voir (vu que, bon, il y a peu de chances que le géant ait très envie d’accueillir la mère de l’enfant qui va lui piquer son trésor, même s’il ne le sait pas forcément encore), mais de s’y cacher. Là-dessus, Waltraute (une autre Walkyrie) regarde le ciel et dit : « L’orage approche ». Et Ortlinde répond : « Que celui ou celle qui n’a pas de parapluie s’enfuie ». Et Sieglinde se tire : « Salut la compagnie ! Brünnhilde, c’était très sympa, dis bonjour à ton père pour moi ».
Et voici Wotan en emporte le vent qui débarque sur son char tiré par trois chevaux (« je vais faire un régime Dukan, promis ») et qui entend bien châtier la rebelle. Seulement toutes les Walkyries se sont mélangées entre elles… Sauras-tu retrouver Brünnhilde ?
Wotan : Brüüüüüünnhiiiiiiiiiiiiilde ! Brüüüüüünnhiiiiiiiiiiiiilde ? Viens prendre ta raclée.
Brünnhilde s’approche de son père qui décide toute une batterie de sanctions plus sévères les unes que les autres. Tout ça pour avoir désobéi UNE fois. Il l’exile, il va la plonger dans un sommeil artificiel en haut d’une montagne et le premier mec qui passe l’éveillera et « flétrira sa fleur virginale ». En gros, il la baisera.
On peut dire ce qu’on veut, mais Wotan n’est pas commode. Il est plutôt tiroir. (oui, c’est ma blague favorite au monde, je vous emmerde).
Je pense, par ailleurs, que Wagner a manqué pour une fois d’un peu de modernité là. Imaginez, il aurait pu faire ça façon Jerry Springer (ou son équivalent belge, avec le présentateur neurasthénique de Ça va se savoir) :
Résignée, Brünnhilde demande à son père pourquoi il la répudie. Wotan expédie l’explication d’un obscur : « Demande-toi ce que tu as fait et tu comprendras ta faute ». Là, Brünnhilde est un peu vénère : c’est vrai, elle a désobéi au dieu, mais au dieu qui venait de prendre une décision dictée par sa femme et contre sa propre volonté. Ça ne change rien pour Wotan qui n’a pas vraiment le choix, rapport qu’il est un dieu et tout ça, c’est toujours un peu la merde, faut jongler entre obligations professionnelles et les gosses et encore, il a à peine le temps de les voir grandir, comme Brünnhilde qui est devenue trop vite un esprit libre et farouche. Ah l’indolence de l’adolescence…
Brünnhilde : Bon alors on fait quoi.
Wotan : Bah, t’as fait ta bravache, maintenant j’ai plus trop le choix. Tu vas dormir et zou, le premier mec qui te réveille, tu lui appartiens.
Brünnhilde : Allez, sois chic, fais au moins qu’il soit un grand guerrier, quoi.
Wotan : Non.
Brünnhilde : Mignon, alors ?
Wotan : Non.
Brünnhilde : Bon, bah un nain comme Alberich au moins ?
Wotan : Ça peut pas être un nain, j’ai dit un homme. T’es cruche, ou bien ?
Brünnhilde : Au fait, faut que je te dise.
Wotan : Quoi ?
Brünnhilde : La Sieglinde, elle porte l’enfant de Siegmund. Et je lui ai donné l’épée brisée de Siegmund (quand ils se sont battus à la fin de l’acte deux, sérieux, c’est fatiguant de tout devoir vous rappeler, suivez merde).
Wotan : Oui, bah qu’elle se démerde. Allez, monte en haut du rocher que je t’endorme, j’ai déjà trop traîné.
Brünnhilde : Ça va, j’y vais, on est pas non plus aux courses, hein. En plus, je suis seule, je suis bien obligée d’arriver en tête.
Wotan : Les bookmakers t’ont très mal cotée de toute façon.
Brünnhilde : Bon, et pour notre accord, tu me promets que le garçon qui viendra me réveiller sera un grand héros.
Wotan : Mais vous me fatiguez TOUTES. Pas une pour ne pas réclamer une faveur… Wotan, construis-moi un palace ; Wotan, protège machin ; Wotan, tue bidule ; Wotan la vidange de la voiture, c’est qui qui va la faire ? ; Wotan, encore en train de boire une bière ? ; WOTAN, IL VOUS EMMERDE.
Brünnhilde : Allez, sois chic. Ou sinon, tue-moi. Mais ne m’offre pas au tout-venant…
Wotan lève les yeux en l’air, exaspéré. « Très bien, seul un homme plus libre que moi pourra t’épouser, tu es contente ? Bien, allez maintenant, monte sur ton petit rocher, il est temps de dormir ma chérie ».
Brünnhilde traîne encore ses pieds, s’allonge sur un genre de caillou et un feu s’allume autour d’elle (pour la petite histoire, c’est Loge qui est contraint de devenir feu follet pour empêcher quiconque de sérieusement convaincu d’approcher, mais Loge, je sais déjà que vous avez oublié qui c’est alors, je n’insiste pas).
FIN (de l’opéra)