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Auteur/autrice : Romain

Les Grandes Erreurs du marketing (1)

Mon blog – qui ressemble sensiblement au désert du Sahara après une tempête de sable – n’a pas encore rendu l’âme. Loin de là ! D’autant que je suis bientôt au chômage. Ça va être l’occasion de lui donner un sacré coup de turbo (non, je dis ça, je spécule, j’y suis pas encore, j’ai juste discuté avec mon chef et il m’a dit : « Ne t’inquiète pas, il ne se passera rien avant octobre, prends tes vacances l’esprit tranquille »).

Aujourd’hui, donc, voici une toute nouvelle série intitulée Les Grandes erreurs du marketing (et en même temps, c’était le titre de mon post, donc si tu es futé, tu as compris que c’était ça, la série, d’autant que j’ai eu la présence d’esprit d’ajouter un «1» entre parenthèses ce qui signifie — et les plus éclairés d’entre vous l’auront compris — qu’il y aura une suite[1]).

Mardi, le magazine Les Inrocks sortait en kiosque et comme je suis abonné, je l’ai reçu dans ma BAL[2]. La couverture promettait un article sur CSS, un retour sur la télévision publique et l’histoire de Led Zep.

Couverture Inrocks
C’est froissé, car je l’ai récupéré dans une poubelle

Or, cette couverture était une couverture-gigogne dédiée à l’opérateur téléphonique SFR et à ses nouveaux forfaits Illimythics (soi-disant) illimités. Oui, j’écris soi-disant parce que bien que la publicité arbore fièrement la mention « Musique illimitée – Appels illimités soir et week-end – TV, surf et texto illimités », il faut comprendre : paie dix euros de plus par mois pour les appels, douze euros pour la musique (et dès que tu arrêtes de payer, la musique, tu l’as dans le fondement), et pour Internet, ne t’avise pas de faire de la voix sur IP. Bah ouais, manquerait plus que t’arrêtes de téléphoner avec ton portable, gros niaiseux.

Mais là où je veux en venir (parce que si c’était pour dire que les opérateurs télécoms étaient des voleurs, ça n’aurait guère d’intérêt puisque c’est de notoriété publique), c’est que la couverture-gigogne, c’est super chiant. Déjà quand ça s’ouvre en deux, ça prend la tête, mais là, pour faire encore plus stAÏle, celle-ci s’ouvre en trois. Comme un poster central de Playboy, la Bunny en moins.

En plus, honnêtement, c’est pourri, ça tente de faire dans le genre iTunes, mais le graphiste a simplement repris la même guitare Gibson (Flying V) en la recopiant je ne sais combien de fois avec un vague filtre Homothétie de Photoshop et en appliquant une couleur au corps de chaque instrument (pattern répété trois ou quatre fois dans l’image). Bref, au-delà de toutes considérations pratiques, c’est l’exemple même de la pub foirée de bout en bout.

Triptyque
Terriblement pratique

Et dans le métro, au bout de la vingtième fois que la couverture glisse au sol et que tu marches dessus, d’un geste rageur et vengeur, tu l’arraches et tu la bazardes en rentrant chez Orange pour t’acheter un iPhone 3G.

[1] Une suite, oui, mais quand ?

[2] Une BAL, c’est une boîte aux lettres en abrégé dans laquelle on reçoit des lettres en papier et pas des mails par octet, notion très vingtième siècle, s’il en est.

Les Musées de l’Horreur (II) : La Pâte Alimentaire

Mon premier post sur le sujet ayant été largement plébiscité (on compte d’ores et déjà un commentaire et il n’est même pas de moi), je reviens pour un second épisode de ma série intitulée : « Les Musées de l’Horreur ».

Aujourd’hui, découvrons ensemble le Musée de la Pâte Alimentaire à Rome ou plutôt le Museo Nazionale delle Paste Alimentari (je parle couramment l’italien littéraire).

Oui, on distingue clairement les musées consacrés à la pâte alimentaire de ceux qui s’intéressent à la pâte non alimentaire. Avec la pâte non alimentaire, on construit des baraquements pour les SDF. Avec la pâte alimentaire, on fabrique des pâtes à limes en terre (magistral jeu de mot pourri). Suis un peu, cher lecteur, parce que cet article promet d’être âpre, aride et intense.

Musée de la Pâte Alimentaire

Le musée donne sur la Piazza Scanderberg. On y entre par une porte (remarque le souci du détail) vitrée automatique et il y a même une petite rampe pour les handicapés, parce que de l’aveu même de la caissière, ce serait dommage qu’ils ne puissent pas y avoir accès. Celle-ci informe le chaland qu’il y a deux visites possibles : la rapide qui ne consiste qu’en deux demi-étages et la grande où l’on peut accéder à tous les étages (et malheureusement, précise-t-elle, cette visite n’est pas accessible aux handicapés, et c’est quand même bien dommage, parce que c’est là que c’est le plus beau).

Le prix est de 10 euros pour la complète (jambon, œuf, fromage) ou 5 euros pour la réduite. Obligation est faite de prendre l’audioguide, je comprendrai mieux pourquoi une fois à l’intérieur.

Je me décide pour la version courte, parce qu’en même temps, je sens déjà que ça va pas être super et j’ai été lâché par tous les autres touristes qui ont trouvé que c’était de la connerie sans nom d’aller visiter ce musée alors qu’il y a un peu mieux à faire d’un point de vue culture à Rome.

Je chausse donc mon audioguide et pousse la porte du musée après avoir donné mon ticket à la fille de la caisse qui a retiré son costume de caissière pour endosser celui de guide. Je suis seul dans le musée, chic, je vais pouvoir voler des trucs. Mais en fait non : la caissière-guide va me coller aux basques tout le long de mes pérégrinations.

musee_1.jpgLa visite commence par la « Salle du blé » qui présente du blé (hum) à différents stades de sa pousse. D’abord sous forme de graines, puis sous forme de tiges et enfin sous forme d’épis.

Fascinant.

Des coupes de terrain montrent le genre de terre dans lequel il est le plus propice à pousser.

La pièce suivante dévoile une machine qui fabrique les pâtes et notamment comment les différentes formes sont obtenues. Un schéma au mur (qui ressemble à s’y méprendre à celui qu’avait réalisée ma classe de quatrième au retour du voyage scolaire en Angleterre sous le préau de l’école) explique pourquoi les pâtes al dente sont plus digestes.

L’audioguide s’avère un précieux atout pour s’attarder dans la pièce sinon, en moins de trois secondes, on se serait cassé.

Comme j’ai choisi la visite rapide, je n’ai pas le droit de traverser tout un pan du musée où l’on apprend pêle-mêle les raisons des formidables qualités nutrionnetlles des pates, les ustensiles nécessaires à la fabrication de pâtes chez soi et surtout une magnifique chaîne de production ininterrompue.

musee_4.jpgDans la salle industrielle archéologique, on peut découvrir un large mortier dans lequel on écrasait le blé il y a cent cinquante ans. Il consiste en réalité en une énorme baignoire en pierre. J’ai l’esprit qui part à la renverse devant tant de beautés.

Dans la salle Travaglini, quelques gravures montrent des italiens du seizième siècle en train de pétrir le blé pour faire écho à la machine industriel ultra-sophistiquée que je viens de découvrir juste avant.

J’arrive enfin à ce qu’il est commun d’appeler le clou du musée. La salle Valeriani. C’est pour ainsi dire la raison qui pousse tous les visiteurs à venir découvrir ce musée.

Qu’est-ce donc ?

C’est une collection extraordinaire de photographies de personnalités du cinéma hollywoodien en train de manger des pâtes, dans des films ou dans la vie. Avec des légendes tout simplement renversantes comme sous cette photo de Marlon Brando : « Marlon Brando alias Don Corleone mange des Fusilli à la Roquette dans Le Parrain de Francis Ford Coppola » ou bien encore « Steve McQueen déguste des Tagliatelles avant de reprendre le tournage de Bullit« . Le tout est accompagné par l’audioguide : « Découvrez dans cette salle la plus grande collection de photographies de stars en train de rendre hommage à la nourriture italienne ».

Et c’est là que mon cerveau a explosé.

Photo de l’entrée du musée trouvée sur flickr.

48 heures par jour : Relativité Restreinte

Dans un contexte délicat entre le gouvernement et l’éducation nationale, il faut féliciter la pugnacité de certains créateurs qui n’hésitent pas à remettre cent fois sur le métier leur ouvrage. Ainsi la réalisatrice et scénariste Catherine Castel s’est associée avec Serge Adam pour l’écriture d’un film étonnant : 48 heures par jour.

En partenariat avec le Palais de la découverte, 48 heures par jour est une voyage fascinant dans le monde de la physique et celui de la théorie de la relativité par le prisme d’une vie de couple. Le titre est une allusion à peine voilée au repli du temps lorsqu’on se déplace à la vitesse de la lumière.

Bruno Tellier (Antoine de Caunes) est un physicien émérite qui rêve de participer à une mission vers Mars (hommage à Brian de Palma). Mais sa femme, Marianne (Aure Atika) ne l’entend pas de cette oreille. Hors de question de garder les gamins pendant cinq ans, durée prévue du voyage. Elle ne laissera partir Bruno que le jour où l’on pourra voyager à la vitesse de la lumière.

Bruno tente de lui expliquer que ça ne changera rien, parce que même si le voyage ne dure que quelques heures pour lui, sur la terre, des années se seront écoulées.

Mission to Mars

Intervient alors Einstein qui rappelle – au cours d’une séquence hilarante – sa théorie de la relativité restreinte qu’il conclut brillamment et dans un langage accessible à tous par la loi de conservation de la masse.

Einstein au téléphone

Juste avant son départ, Bruno prend une photo de sa femme pour se faire un joli souvenir.

Clic Clac Kodak

Mais le bus qui le conduit vers Kourou où l’attend la navette spatiale traverse malencontreusement un passage à niveau au moment où un train passe et qu’une vache broute. Bruno meurt dans les minutes qui suivent le drame.

Un Conte de Noël : Noël de cons, Cannes au balcon

Le Festival de Cannes a débuté mercredi et aujourd’hui, c’est la présentation du dernier film d’Arnaud Desplechin, Un Conte de Noël qui nous narre l’histoire déchirante d’un jeune enfant en 6ème qui ne sait pas compter au delà de un, jusqu’au soir de Noël où – subitement – il compte jusqu’à deux et sa grand-mère (magistrale Catherine Deneuve) en est toute ébaudie et se ressert un verre de cognac (en fait de l’Ice Tea à la Mangue).

Un Compte Deux

Sur toutes les jaquettes des vidéos des films de Walt Disney, on pouvait lire : « Le Grand Chef d’Œuvre de Walt Disney », « L’Ultime Chef d’Œuvre de Walt Disney », « Le Vrai Chef d’Œuvre de Walt Disney » ou « Le Plus Beau Film de Walt Disney ». Et bien, avec Desplechin, c’est un peu la même chose : chaque nouveau film est son plus beau.

Par exemple, ce Conte de Noël, c’est pour Les Inrocks « magistral » et pour Télérama « le plus ample et le plus accompli ». Rois et Reine, le précédent, c’était « une plénitude », Esther Kahn « un superbe quatrième film » et montrait un « goût du cinéaste pour le spectacle hollywoodien ».

À tomber à la renverse
Exemple de goût pour le spectacle hollywoodien

Desplechin, c’est un peu notre Walt Disney français.

Les films de ce grand réalisateur (1 mètre 83) sont assujettis à plusieurs constantes immuables.

Il y a d’abord la durée (non, rien à voir avec les macarons). Arnaud ne sait pas faire dans le concis. Même ses court-métrages sont longs (54 mn pour La Vie des morts). La Sentinelle, son premier chef d’œuvre : 2h20 ; Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) : 2h58 ; Esther Kahn : 2h22 ; Rois et Reine : 2h30 ; Un conte de Noël : 2h30.

Ensuite, le nom des personnages. Ici, pas de François ou de Vincent. Bien trop commun. On s’appelle tous avec des noms bibliques, mythologiques ou à connotations littéraires : Abel, Junon, Ismaël, Esther sont systématiquement employés.

Dans un film de Desplechin, il y a toujours Mathieu Amalric avec sa tête toute fripée qui lui donne l’air d’être sorti d’une machine à laver le linge dont la fonction essorage serait foutue. Il interprète un adulte mais qui renâcle à agir comme tel.

Le Peignoir

Et puis, un film de Desplechin ne serait pas tout à fait complet sans quelque part Emmanuelle Devos avec sa machoire inférieure en avant ce qui lui donne un côté reptilien palpitant.

Lorsque Comment je me suis disputé… était présenté à Cannes en 1996, elle avait répondu à un intervieweur de Nulle Part Ailleurs qui lui demandait de résumer le film : « s’il dure trois heures, c’est justement parce qu’on ne peut pas le raconter en moins de temps ».

Mais revenons à Un Conte de Noël. Jean-Marc Lalane (qu’il soit maudit) explique dans son papier sur Cannes que ce film va certainement intéresser Sean Penn puisque c’est le même chef-opérateur que celui de Into the Wild qu’il a réalisé. Et que c’est le moment idéal pour récompenser Nono qui, s’il a participé déjà trois fois en compétition officielle, n’a jamais rien remporté, ajoute-t-il.

Le soir de Noël

Mais que je te rassure : à la fin du Conte de Noël, y’a une grande farandole devant Simon qui compte les dix premiers grâce à ses doigts et quand il a plus de doigts, il devient fou. Alors, Catherine Deneuve se retourne vers la caméra et dit d’une voix monocorde (et c’est tout simplement génial et jamais vu) : « Je suis une femme d’amour. Perdre un enfant m’a fait souffrir, mais la joie de revoir dans les yeux de ma famille l’aphasie de leur amour réchauffe à mon coeur le bonheur de ma tendresse. Même Henri, que j’ai banni, et qui a été un adolescent dans un corps d’adulte toute sa vie, je le pardonne. Je pardonne à tous. Je pardonne tous et tout. Mais surtout… je me pardonne ».

Cette rencontre avec lui

Hier, dans le cadre de mes travaux d’intérêts généraux (encore cent-huit heures !) suite à une affaire jugée avec totale partialité par un tribunal véreux qui n’a pas été sensible à mes arguments pourtant d’une justesse remarquable (non mais oh, jamais de la vie je ne me suis baladé nu comme un ver sur les Champs-Élysées hurlant à qui mieux-mieux que j’étais un roi du patin à glace alors que j’ai jamais été fichu d’en faire correctement), je suis allé voir ma grand-mère que j’adore et tout et tout (si, c’est vrai).

Pour bien faire, elle m’a invité pour le déjeuner et nous nous sommes retrouvés à l’Océan, non pas sur la Côte Atlantique, mais un restaurant de fruits de mer dans une banlieue parisienne dont je tairais le nom.

Et là, à côté de notre table, il y avait… Gotlib.

Ouais. Gotlib qui se goinfrait d’une gambas géante avec une purée au chorizo. Il était là avec en face de lui une copine à lui, j’imagine, genre une journaliste qui faisait « han han » à tout ce qu’il disait. Genre, une fan totale, comme moi.

Autant le dire, j’ai passé le repas à me retourner parce qu’il était dans mon dos et que j’étais un peu comme un chien fou. Et que je fais tomber ma serviette ; et que je me lève pour aller chercher une cuillère ; et qu’il n’y a plus d’eau à notre table ; et tiens si j’allais aux toilettes ; et mes mains sont sales…

À la fin du repas, il n’y avait plus que Gotlib, sa copine, ma grand-mère et moi dans le restaurant. On paie (enfin, façon de parler, j’ai rien payé) et on s’en va… et figure-toi que Gotlib et sa copine font pareil. On sort, on remonte la rue vers la voiture et là j’avoue à ma grand-mère que le mec devant nous, c’est un peu mon héros de toujours. Elle me dit alors : « Mais t’es bête, t’aurais dû le lui dire, rhalala, t’es trop timide, mon grand, ça lui aurait fait sûrement plaisir, en plus ».

Gotlib s’arrête monte dans sa voiture et alors ma grand-mère frappe à sa vitre et dit : « Monsieur, vous avez fait la joie de mon petit-fils qui vous admire depuis très longtemps ».

Et moi, je suis à côté, je sais plus où me mettre, avec un gros sourire de benêt (parce qu’en même temps, c’est Gotlib, hein). Il répond : « Merci, c’est très gentil ». Et moi, je bafouille trois mots du style « hihihihi ! vous êtes mon héros ! hihihihihi ! » et il s’en va en tapant sur la cuisse de sa copine qui est la conductrice de la voiture genre : « Dépêche, ce mec avec sa grand-mère me fait flipper ».

N’empêche, je me suis senti un peu con, parce que le coup du « mon petit-fils vous admire », alors que j’ai quand même plus de trente berges, ça m’a donné l’impression d’être un gentil déficient mental sorti de son hôpital psychiatrique pour la journée.

Le pire, c’est que j’avais rêvé mille fois cette rencontre, mais cette version-là, jamais je ne l’aurais imaginée. Parce que ce moment qui aurait dû être mythique est devenu le nouvel épisode le plus embarrassant de toute ma vie.

Gotlib, si tu me lis : je t’aime.

Prends garde, l’Univers

Je reçois aujourd’hui mon contrat pour les posts que je publie chez Fluctuat. Rien de bien palpitant là-dedans si ce n’est quand on le lit (parce que tout contrat est risible dès qu’on le lit).

Fluctuat est dénommé l’éditeur et moi l’auteur (j’adore qu’on m’appelle un auteur, ça flatte mon ego). Les « notules » que j’écris sont dénommées « L’Œuvre Intellectuelle », et ça, j’adore aussi.

L’article de cession est sans nul doute le plus intéressant. Voici l’extrait qui m’amuse :

Ces droits comprennent le droit de reproduction et le droit de représentation du travail de l’auteur, ainsi que les droits d’utilisation secondaire et dérivée, par tous modes et procédés techniques connus et inconnus à ce jour, sur tous supports, en tous formats, en lecture linéaire ou interactive, en toutes langues et ce dans l’univers entier.

« Dans l’univers entier »… je l’avoue, ça me laisse rêveur… ma prose sur Mars… arf…

Les Chansons (chiantes) d’amour

Le film de Christophe Honoré, Les Chansons d’amour, est encensé sur la majorité des sites que je lis, mis à part celui de Variety. Ce dernier conclut son article avec une phrase tout à fait juste : « Le film fera un beau succès local ». La presse française ne donne pas tort au journal américain. Les Inrocks n’en peut plus (« Beau à pleurer »), Télérama admire, Libération se pavane, même Le Canard enchaîné apprécie. Et pourtant, à bien des égards, Les Chansons d’amour est un film d’une tradition française qui mériterait plus que jamais de se tarir. Oui, je l’écris haut et fort : qu’on en finisse avec cet héritage mal digéré de lanouvellevague (en un mot). Rien n’est plus agaçant de voir que les journaux ne cessent de ressasser cette vieille notion pour encenser ce film parfaitement anecdotique et qui ne dépassera pas les frontières du périph, ou à peu près.

Commençons par le générique. Des lettres massives du nom de famille de chaque participant qui s’enchaînent les unes après les autres, des acteurs aux décorateurs, en passant par les producteurs sans que soit précisée la fonction de chacun. Le cinéma est une œuvre collective nous dit Honoré. En grosses lettres encore, on lit « PREMIÈRE PARTIE », on en conclut donc qu’il y en aura d’autres. Finalement, il y en a trois (judicieusement titrées « DEUXIÈME PARTIE » et « TROISIÈME PARTIE »).

Les Chansons chiantes

Commence alors l’histoire de ce triolet sexuel entre Ismaël, Julie et Alice. J’adore déjà que le mec s’appelle Ismaël. Non, sérieusement, je ne connais pas une personne qui s’appelle comme ça « dans la vraie vie », pour reprendre la saillie sur les endives braisées, mis à part dans les films de Desplechin. On peut y voir une connotation biblique ou bien le début de Moby Dick. De toute façon, on s’en fout, l’intérêt d’appeler son personnage principal comme ça, c’est qu’on sache bien qu’on est dans un film intelligent où les références littéraires et cinématographiques vont bon train.

Alors, ce trio, c’est pas la joie, mais ça baisouille, ça lit des livres (Éditions de l’Olivier s’il vous plaît), et puis on fait de longs plans sur les couvertures pour qu’on comprenne bien que c’est pas des bouquins avec des images (oui, j’ai lu que c’était un hommage à Baisers volés, franchement qu’est-ce que ça peut nous foutre ?). Et évidemment, ça fume des clopes et ça boit du café (je vous mets au défi de trouver un film français où personne ne fume ou ne boit du café).

Un peu plus tard, Julie et Ismaël vont voir la famille de Julie. Tiens donc, chez eux, ça lit Phèdre, ça traduit des pages de grec et de latin, ça boit des cafés et ça fume dans la cuisine. Moment idéal pour la mère de Julie de lui demander comment va sa relation avec Ismaël. Julie, très décomplexée, raconte sa vie à trois. Sa mère semble être intriguée et horrifiée. Ils partent et le soir même, Julie, Alice et Ismaël vont dans une boîte de nuit, et la Julie s’effondre en sortant. Les policiers arrivent, jouent les superhéros. Ça foire. Elle meurt.

Alors Ismaël va trouver le réconfort dans les bras d’un petit mignon, Erwan. Oui parce qu’il semblerait qu’il faut aimer, mais pas trop et qu’il faut savoir aimer le fruit sans la chair ou le noyau sans le fruit, y a une chanson qui explique tout ça, mais j’ai pas tout suivi.

Moment génial, typique du film français qui a besoin de justifier une grande filiation dans la tradition de l’intellectualisme, Erwan sort de chez lui et fait la bise à un copain du lycée. Les deux sont en Terminale. Le copain: « T’as passé une bonne soirée ? ». Erwan s’étant branlé devant Ismaël répond, un sourire jusque là, « Oui, et toi? ». Et l’autre répond avec un naturel bien évident : « Moi, j’ai fini de lire Aragon » et paf, deux minutes de citation de l’auteur des Yeux d’Elsa. Rhalala, mais ouais Nono, on sait que t’en as lu des bouquins et des difficiles où qu’il faut pas s’endormir toutes les trois lignes.

Belle incrustation

Ah oui, et il y a ce plan, magnifique, avec la tête de Julie qui s’incruste tandis qu’Ismaël est devant sa tombe. Oui, je sais, c’est très certainement un vague hommage à Jacques Demy (je n’ai jamais vu le moindre film de Jacques Demy, je ne supporte pas la musique de Michel Legrand) ou je ne sais qui de lanouvellevague, mais franchement, on pouvait trouver mieux comme hommage, hein. Parce que là, on est plutôt dans le roman-photo italien que dans la grande tradition du cinémâââââ françâââââis. En gros, le problème des Chansons d’amour, c’est qu’il nous fait un film qui aurait été impeccable en 1970. Lanouvellevague, c’est fini, faut la digérer et faut passer à autre chose. J’ai de la citrate de bétaïne dans mon placard à pharmacie.

Et il faudrait revenir sur ce plan final avec son arrière-goût d’Un Monde sans pitié, surtout que le film d’Honoré risque de devenir aussi vite daté que ce dernier. Enfin, bref, vous l’aurez compris, j’ai à peu près détesté ce film pédant, aux discours interminables, aux discussions ennuyeuses à mourir. D’ailleurs, je pense que tous les auteurs qui se revendiquent de lanouvellevague (j’ai même lu que Les Chansons d’amour était dans la continuité de la post-nouvelle vague… qu’est-ce qu’il ne faut pas lire…), faudrait les enfermer dans des scaphandres et les laisser s’étouffer dans le vomi de leur diarrhée verbale.

Un point quand même à sauver du film : les acteurs chantent eux-mêmes et je pensais vraiment que ce serait une catastrophe, et pas du tout, la bonne surprise du film (surtout que j’avais lu que Christophe Honoré voulait demander à Vincent Delerm de jouer dans son film, nous l’avons échappé belle).

Un truc qui m’a fait mourir de rire dans la salle où j’étais : trois gamines de quatorze ans genre versaillaises en goguette étaient là pour voir le « beau Louis Garrel » (je cite), et l’une a hurlée à la mort se cachant les yeux dès que les garçons s’embrassaient. Si ça a choqué cette petite conne, voilà au moins quelque chose de bénéfique.

Rois et Reine

J’avais écrit ça sur un forum de cinéma après avoir vu le film Rois et Reine de Desplechin pour faire chier les intervenants. Ça n’a pas marché. Mais lire chez Ze F. : « Il est de bon ton de gerber sur Desplechins. En attendant, un film français comme ça, on l’attendait depuis longtemps… » m’a donné envie d’en faire profiter la terre entière des lecteurs de ce blorgue. C’est un peu méchant, franchement gratuit, pas vraiment argumenté, mais ça m’avait bien défoulé. N’étant pas super fan de l’œuvre du monsieur et un littéraire raté, j’ai fait des bourdes (j’attribue les noms des personnages à des références bibliques, alors qu’il s’agit pour certaines de références à Moby Dick), mais je laisse le texte comme ça parce qu’il me fait plus rigoler avec les erreurs, alors, hein. On est chez moi, ici, et on essuie ses pieds sur le paillasson d’octets à l’entrée. Ah, et je vomissais déjà sur Desplechin — juste pour préciser.

Attention Spoiler ! Je dévoile (si l’on peut dire) le contenu du film.

Rois et Reine
Non content de nous abreuver de sa suffisance dans une mise en scène calamiteuse, les premières minutes du film posent une question : quel est le propos de Rois et Reine ? À première vue, aucun, si ce n’est de vouloir absolument emmerder les spectateurs.

Les deux histoires qu’aborde ce film partent d’un point zéro pour sombrer dans le néant le plus total, et le tout avec des poncifs et des astuces scénaristiques à faire peur à un dromadaire en rut. Jugez-en plutôt.

Nous avons, d’une part, Nora (mal) interprétée par Emmanuelle Devos. Femme forte, elle a eu un enfant (Elias, interprété par : « le petit Valentin Lelong » tel qu’écrit dans le générique) avec un homme merveilleux, mais excentrique, qui est mort avant la naissance de l’enfant. Son credo, à elle, c’est de parler comme dans une pub pour la lessive ou pour les couches-culottes avec des cuts très nombreux sans changement de point de vue, ce qui nous donne sensiblement des textes du genre : « La toute dernière innovation de Pampers ». « Bon, c’est les fronces protectrices ». « On connaissait déjà ça, chez Pampers ». « Mais la vraie innovation, c’est que la double épaisseur devienne triple épaisseur ». « Merveilleux, et surtout très pratique avec son voile mentholé ».

Elle raconte ça à la caméra (première séance chez un psy ? On ne saura jamais), le déclamant d’une façon intelligemment fausse. Elle s’est mariée dix ans plus tard avec un homme qu’elle n’aime pas, mais qui ne l’aime pas non plus et qui doit juste aimer se faire pomper le fric.

De l’autre côté, nous avons Ismaël (appréciez au passage, avec la finesse Desplechienne, la présence quasi ininterrompue de prénom biblique ou judaïque sans que ceci ait un quelconque intérêt), un alto talentueux, très doué, mais quelque peu autiste (pour preuve : il mange au McDo, il écoute du hip-hop, danse et porte des baskets bleus — signes flagrants s’il en est). Il est enfermé « par erreur » dans un hôpital psychiatrique (en fait, c’est une malversation d’un de ses camarades, ce que nous révélera une longue enquête laborieuse à laquelle Columbo n’aurait même pas voulu voir son nom associé). Au long de son séjour dans l’hôpital psychiatrique, nous comprendrons qu’Ismaël, à presque quarante ans, continue de se comporter comme un gamin. Pour preuve : il mange au McDo, il écoute du hip-hop, danse et porte des baskets bleus (ah bon ? j’ai déjà écrit ça ?). De plus, il tombe amoureux d’une jeune fille de vingt ans sa cadette, qu’il rejettera avant de revenir vers elle dans un final d’une originalité à faire pousser des ailes à un mammouth.

Le lien entre les deux histoires n’arrive qu’au bout d’une bonne heure et demie de film, bien que n’importe quel spectateur qui a déjà vu un ou deux films de ces auteurs (Desplechin et la clique de la Femis) aura découvert le pot aux roses au bout d’une quinzaine de minutes : Ismaël est le second mari de Nora et a élevé pendant sept ans Elias avec Nora avant qu’elle ne le quitte, car il était trop gamin. Nora, elle, est dure et certaine d’elle, mais sombre sensiblement dans une hystérie calculée.

Tout le propos du film tourne autour d’une question : Ismaël acceptera-t-il d’adopter Elias ? (2 h 30 pour savoir qu’il n’acceptera pas). Le reste n’est que du remplissage poussif dont une histoire catastrophique entre Nora et son père mourant atteint d’un cancer incurable qu’elle décide de débrancher « pour ne pas le faire souffrir ». Au cours de cette monstrueuse séquence, le père laissera à sa fille une déclaration calamiteuse l’informant de sa haine la plus totale et de son désir de la voir mourir plutôt que lui. Cette lettre, qu’elle cachera sur son ventre, laissera une marque de brûlure (bonjour la symbolique) avant qu’elle ne décide de l’enflammer dans le garage de sa maison. Une autre histoire qui sort d’on ne sait où nous présente les parents d’Ismaël qui ont tous les deux un cœur gros comme ça, et qui veulent adopter la terre entière. L’aboutissement de cette séquence n’a qu’un intérêt fortement limité dans la conception scénaristique de l’affaire, si tant est qu’il y en ait une.

Et puis, pour finir de nous achever, Desplechin clôture son film par un épilogue capricieux où Elias et Ismaël ont une conversation passionnante sur les responsabilités de l’adulte et sur le fait qu’un enfant n’est pas un adulte, excusez-moi, j’ai du mal à ne pas bâiller rien qu’à l’évocation de cette séquence. Montée dans un style « cut-up », la scène est d’une longueur à faire passer le Marathon olympique pour un cent mètres. Et Emmanuelle Devos, la « Reine », finit de nous achever avec un petit monologue bien senti, alors qu’Elias et Ismaël s’approchent d’elle : « J’ai aimé quatre hommes [Ismaël, Elias, son premier mari, son père], j’en ai tué deux [son premier mari et son père], les deux autres courent vers moi ». S’ensuit un générique douloureux dans un quasi-silence, où Desplechin nous rappelle une ultime fois qu’il est un grand littéraire et qu’il a lu plein de livres en citant in extenso la liste des ouvrages dont il fait citer des extraits par les acteurs tout le long du film.