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Et mon père dessina un crocodile

Le virus de l’informatique

À l’école élementaire, Gwenaël était mon meilleur ami. Il y avait une raison évidente à cette sympathie : il possédait chez lui une console de jeux vidéo. Une Atari 2600. Dans les années quatre-vingts, ce n’était pas rien ! Quand il m’invitait le samedi chez lui, c’était la fête. Hélas, comme il pouvait jouer avec sa console quand il le souhaitait, il ne comprenait guère mon engouement à passer une bonne partie de l’après-midi devant. C’est probablement pour ça qu’il a cessé de m’inviter. Enfin, je crois même qu’il a déménagé. Pour vous dire comme je devais être agaçant.

Chez moi, une console de jeux vidéo aurait été totalement inacceptable. Mais j’avais tellement tané ma mère qu’elle avait fini par m’offrir à Noël un ordinateur Philips. Un VG5000. La bestiole coûtait 1990 francs. 540 €. C’était un cadeau totalement déraisonnable pour l’enfant que j’étais. J’avais bien évidemment argumenté que j’apprendrais à programmer. En réalité, je n’avais qu’un objectif : jouer. Je n’ai d’aileurs rien appris du BASIC, sauf la commande RUN.

Le VG5000, c’était la plaie de lancer un jeu : le programme était stocké sur une cassette audio. Il fallait un temps infini pour que la bande défile. Entre cinq et dix bonnes minutes, soit deux heures en temps d’un enfant de dix ans, était nécessaire à remplir la mémoire vive de 16 ko. Les jeux n’avaient rien de fabuleux. Des Space Invaders, PacMan, Démineurs, Réussites… Je crois que je jouais surtout à L’Abeille. Nous étions une abeille et il fallait butiner les fleurs et éviter les collisions. À l’époque, le marketing était réduit à son strict minimum : les jeux s’appelait par leur fonction : Casse-Brique, Hélicoptère, Musique… Dans L’Abeille, on était une abeille qui butinait des fleurs.

Mais le plus gros souci du VG5000, c’est qu’il fallait le brancher sur la télévision. Or, ma grande sœur regardait le Top 50. C’était une guerre larvée de chaque instant. Heureusement, un nouveau voisin, rencontré en 6e, possédait un Vectrex, qui avait son propre écran cathodique. C’était beaucoup mieux et ça marchait à cartouche, donc le chargement était immédiat.

L’ordinateur a végété. Et c’est là que j’ai un coup de chance terrible ! Mon père, illustrateur publicitaire, est engagé pour dessiner le logo d’Amstrad : un crocodile accoudé sur l’écran de l’ordinateur. À en croire son utilisation encore aujourd’hui sur des forums d’informatique ou de jeux-vidéo, je crois bien que l’image reste emblématique pour ma génération. Grâce à ce dessin, il m’offre le Graal : un CPC6128. 128 ko de mémoire, lecteur de disquette et écran couleur. Jamais je n’aurais pu espérer avoir un tel cadeau. Ce crocodile a changé ma vie. C’était… un miracle !

Le crocodile d’Amstrad
La signature en douce

J’avais uniquement le jeu Gauntlet au départ. C’est là que j’ai découvert la subtilité de l’informatique. Le clavier était un AZERTY, et pour lancer le jeu, il fallait exécuter la commande « |cpm » (ou pcm ?). Impossible de trouver comment taper la barre horizontale qui n’était pas identifié sur mon clavier. J’ai cherché des heures toutes les combinaisons de touche… Ah le monde d’avant internet… Il y avait quatre personnages à jouer : un guerrier, une walkyrie, un mage et un elfe. J’adorais. Pourtant, je ne crois pas avoir passé le premier niveau.

Ensuite, j’ai découvert Orphée. Un jeu d’aventure textuel où vous vous baladiez dans les enfers. L’écran-titre débutait avec la Toccata et fugue en ré mineur de Bach, ce qui suffisait à rendre le jeu génial à mes yeux. Ensuite, dans les premiers écrans du jeu, vous pouviez prendre une épée, l’épée des morts-vivants. Puis vous rencontriez un dragon qui vous acccompagnait tout au long de l’aventure. Un périple avec des morts encore plus fréquentes qu’un Dark Souls. Vous tombiez dans un précipice, vous mourriez de soif, vous vous faisiez attaquer par des chauves-souris… Sans internet, là encore, il fallait y passer des nuits, tracer des plans sur des feuilles de papier.

Après des semaines, j’arrive enfin à fin du jeu. Il fallait donner l’épée des morts-vivants (prise au tout début de l’aventure) à Satan pour enfin sortir des enfers. Et j’étais tellement fier (TELLEMENT) d’y être arrivé. Je tremble et tape « DONNE L’ÉPÉE À SATAN ». Et le jee me répond : « Vous l’avez souillé en la touchant ». Game Over. Quel sentiment d’injustice ! J’ai détesté d’une force incommensurable les programmeurs du jeu. Mais j’ai recommmencé. Du début. Et cette fois-ci, j’ai dit au dragon de prendre l’épée à ma place. J’ai poncé le jeu et j’ai gagné, mais avec un goût amer dans la bouche.

Published inTout moi

2 Comments

  1. Matoo Matoo

    Nan mais c’est trop la classe internationale ton père pour le croco Amstrad !!!! 😀

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