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Histoires arythmiques

120 battements par minute

Écrire sur 120 Battements par minute est un exercice un peu casse-gueule. Alors avant de commencer, précisons tout de suite : ce film est salutaire, devait être fait et mérite d’être vu (bien au-delà des homos ou de ceux qui s’intéressent à l’histoire de la lutte contre le VIH). J’ajoute que j’ai beaucoup aimé et que je n’ai pas vu les deux heures vingt (ce que je craignais beaucoup).

Accessoirement, il va me permettre de tester ma toute nouvelle balise « Spoiler » pour mon blorg, et ça, ça n’a pas de prix.

Spoiler
C’est pas génial, sérieusement ?

(Il faut cliquer pour voir ce que j’ai écris juste avant.)

Mais pourquoi est-ce casse-gueule d’écrire dessus ? Parce que le film oscille en permanence entre le documentaire et la fiction. Et on ne sait jamais sur quel pied danser.

Si l’on s’en tient à l’aspect documentaire des réunions, les « anciens » d’Act-Up confirment que le film touche juste. Rien de surprenant : le réalisateur Robin Campillo est un ancien membre de l’association lui-même. Mais si l’on penche vers la fiction, je dois avouer que je ne comprends pas bien le projet. Ça donne à mon sens un film plutôt bancal.

(Si vous n’avez pas vu le film, vous prenez le risque de connaître toute l’histoire en lisant la suite. Bon. En même temps, on ne va pas se mentir : un film sur des malades du SIDA au début des années 90 se finit rarement bien.)

120bpm 2

Il y a donc deux façons de raconter le film.
1. Le documentaire. Inspiré par Act-Up New York, un groupe de tout horizon forme Act-Up Paris, association de lutte contre le VIH et reprend les mêmes méthodes musclées pour tenter de se faire entendre face à un gouvernement plus sourd que Beethoven.
2. L’histoire d’amour. Sean, séropositif, milite à Act-Up. Nathan, séronégatif, rejoint l’association. Nathan tombe amoureux de Sean.

Spoiler
Sean tombe de plus en plus malade. La fin n’est pas gai.

Le film passe une grande première partie sur les réunions d’Act-Up où se préparent les actions militantes du groupe. Leur objectif numéro 1 : mettre les mains sur les résultats d’une molécule (une antiprotéase) en cours de test par un grand laboratoire pharmaceutique. Mais le laboratoire refuse de les livrer et entend les publier uniquement d’ici un an, lors de la conférence mondiale contre le SIDA.

Sur cette partie, on retiendra que l’aspect documentaire est particulièrement bien restitué, tout en évitant l’ennui que pourraient susciter de longues discussions stériles, même ponctuées d’engueulades. Mais entre les très bons / bonnes acteurs / actrices et la mise en scène, le rythme ne se relâche pas. Il y a tout de même un petit « mais » : sur les sept ou huit réunions qu’on voit, une bonne moitié d’entre elles répètent systématiquement la même chose, comme si le texte de ces scènes se basait en grande partie sur un seul compte-rendu. Et je crois avoir rarement entendu dans un seul film aussi souvent « Les gays, les toxicos, les étrangers, les prostitués, les hémophiles et les gens en prison » dans la même phrase. Comme s’il ne fallait jamais en oublier un seul.

Exemple :
– Il faut faire une action militante !
– Oui, il faut la faire pour les gays, les toxicos, les étrangers, les prostitués, les hémophiles et les gens en prison.
– Je suggère qu’on aille jeter du sang sur la tête du président des labos Machin-Chose.
– Bonne idée, on ira avec les gays, les toxicos, les étrangers, les prostitués, les hémophiles et les gens en prison.
– Oui, car on n’entend pas dans ce pays la voix des gays, des toxicos, des étrangers, des prostitués, des hémophiles et des gens en prison.
– Ah ça ! Rien n’est fait pour les gays, les toxicos, les étrangers, les prostitués, les hémophiles et les gens en prison.

J’exagère un peu (et je tiens à préciser que je parle du style, pas du fond : je sais bien qu’à l’époque, le gouvernement se fichait totalement de la santé des gays, des toxicos, des étrangers, des prostitués, des hémophiles et des gens en prison).

En dehors de ce petit bémol, franchement, c’est passionnant et c’est aussi glaçant de voir à quel point les pouvoirs publics se moquaient totalement du sort de toute une frange de la population et comment cette population a concentré une telle colère que la seule façon de l’exprimer était dans des actions coups de poings salutaires.

En revanche, l’histoire d’amour : bof. Limite, elle gâche le reste. Oh, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : oui, il est mignon ce petit couple Sean et Nathan qui se fait des bisous et qui couche ensemble. Mais alors quand SPOILER ALERT la maladie va commencer à emporter Sean, on passe de 120 battements par minute à 120 minutes par battement (cette blague pourrait vous être offerte par Le Masque et la plume). D’ailleurs, d’une façon générale, dès qu’on quitte les actions et les réunions, le réalisateur manque singulièrement d’originalité. Le ralenti quand un personnage tombe dans les pommes, je ne vais pas dire qu’on a vu ça mille fois, mais quand même : on a vu ça mille fois. D’ailleurs cette « idée » du ralenti est reprise trois fois dans le film…

Et, SPOILER ALERT TOUJOURS,

Spoiler
quand Sean meurt, on va passer près pratiquement toute la fin du film sur la veillée funèbre.
L’histoire entre Sean et Nathan balaye alors d’un coup tout le pan documentaire.

Que s’est-il passé avec le fameux laboratoire contre lequel Act-Up est entré en guerre ? Quand les résultats sur la molécule sont-ils sortis ? A-t-elle été efficace ? A-t-elle soigné des gens d’Actu-Up ? Silence total. Tout comme le générique sans musique (palme de l’inattendu).

Mais peut-être que ce qu’il me fallait, c’était justement ça : du documentaire. Alors, je vous recommande chaudement How To Survive A Plague. C’est sur l’histoire d’Act-Up aussi, mais Act-Up New York. Sa formation, son mode de fonctionnement, comment ses membres ont lutté pour obtenir des molécules pour les soigner, comment ils se sont engueulés entre eux parce que certains trouvaient que le groupe n’était pas assez radical. Je suis surpris de n’avoir lu ça nulle part, mais c’est la même histoire que le film de Robin Campillo : il y a des séquences dans une grande salle où tous les membres se réunissent, il y a des histoires d’amour, il y a des manifestations, des actions militantes, des personnages principaux qui meurent. Sauf qu’ici tout est composé de films d’archives de l’époque. Et surtout, on a une conclusion. On sait ce que la molécule qu’ils ont obtenue a apporté, et il y a même un petit exercice critique à la fin. Les militants de l’époque commentent leurs actions et en regrettent même certaines.

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One Comment

  1. Je serai du même avis. Dans cette fin trop lente, j’ai tout de même été surpris par la transition (SPOILER) entre le saccage de la réception et la discothèque. Dernier sursaut d’originalité dans la réal’. C’était kiffant, mais sans faire oublier la lenteur qui a précédé durant la veillée funéraire.

Dites-moi tout...