Quelle année, mais quelle année ! Ah, c’est simple, à la seule idée, ce matin, de faire comme tout le monde mon traditionnel bilan de l’année passée, j’ai eu une exaltation de joie (je déconne, cherchez pas, je crois jamais avoir tracé un seul bilan de ma vie, ou alors seulement un dépôt de bilan à la demande de mes créanciers, associé à un surendettement chronique).
J’ai a-do-ré tous les jours de 2015. Franchement, je sais, vous allez me dire « Euh… T’as fumé la moquette, Romain ? » (accessoirement, je pense qu’on ne dit plus cette expression depuis le milieu des années soixante-dix). Non. Non. NON. Trois fois non !
Mais pour apprécier cette année, il faut arrêter de la regarder par le prisme biaisé des merdias et des journalopes. Il faut un peu ouvrir les œillères, regarder au-delà du mur, plonger dans ses chakras et les samossas dans la friteuse.
D’abord à titre purement personnel : en 2015, j’ai fêté mes quarante ans. Rien qu’à l’écrire, je ne ressens absolument pas une grosse dépression venant de l’ouest plongeant la France sous un ciel clément pour tout l’hiver. Quelle joie ! Quarante ans, enfin ! J’ai réussi à vivre un peu plus d’une moitié de vie. C’était pas gagné. Heureusement, mes parents ont eu à leurs charges les trente-cinq premières, sinon j’aurais déjà fini sous les ponts. Et quels accomplissements ai-je réalisés… La liste est tellement longue : j’ai réussi à ne jamais écrire de roman, contrairement à de nombreux confrères journalistes. Je n’ai absolument pas évolué professionnellement. Je gagne même moins bien ma vie qu’avant. Pas grand-monde qui peut se vanter de ça… Et surtout, je n’ai aucune perspective d’avenir : mon salaire n’a pas bougé depuis cinq ans et restera le même en 2016, aucun poste ne s’ouvre à l’horizon, personne ne me réclame à corps et à cris et tente de me débaucher à coups de stock options et de parachutes dorés. Je n’ai donc aucun besoin de montrer le moindre engagement et le moindre dévouement et le moindre enthousiasme pour mon travail. De quoi me plaindrais-je, franchement ?!
Ensuite, j’apprécie de plus en plus ma vie de banlieusard. La banlieue, c’est gé-ni-al. Bien sûr, vous ne vous en rendez pas compte, mais on a tout avant les autres. Par exemple, la fermeture des transports en commun chaque soir avant ceux de Paris. Bisque bisque rage, les parigots ! Autre exemple : vu que ma fenêtre donne sur l’entrée de l’A6 dans la capitale, j’aurais sans le moindre doute un cancer dû à la pollution avant tous ceux qui habitent à la campagne. Et toc ! En plus, de l’autre côté de la rue, il y a une épicerie qui est ouverte tout le temps. Je crois qu’elle ne ferme que de 9h à 9h30, c’est tout. Ce qui veut dire que j’ai jamais à m’en faire s’il me manque mes deux flasques de Smirnoff et mes trois litres de bière quotidiens pour me mettre minable avant de m’endormir tout habillé sur mon canapé devant Top Chef. Si c’est pas la belle vie, sérieusement, je sais pas ce qu’il vous faut.
Et puis, merde, même à l’échelon international, cette année a été merveilleuse. Regardez les autres cons de Daesh : ils ont sauvé l’industrie de la presse alors qu’elle était en pleine déconfiture. Les ventes des journaux relancées, les chaînes de télé employant des stagiaires à tour de bras pour les former… À bien y regarder, ils ont plus fait pour réduire le chômage que le gouvernement. Pareil pour la culture : dorénavant, les gens affluent à la Philharmonie de Paris ! Tout le monde sait très bien qu’il n’y a aucune chance que des terroristes viennent avec des kalachnikovs massacrer les férus de musique classique. Eh ouais, les classicos prennent leur revanche. C’est fini le rock ! Lemmy de Motörhead l’a si bien compris qu’il a préféré ne pas passer l’hiver.
Mais attendez, attendez, il y a mieux : la montée de Marine Le Pen, c’est peut-être pas une bonne nouvelle, ça ? Pour une fois qu’un truc marche bien en France, et on se plaint ! Quand on se rappelle que le papa a débuté sa carrière comme éditeur de disques vinyles des discours de Hitler et qu’on voit où toute cette petite smala est arrivée, ça fait plaisir. L’esprit d’autoentrepreneur, y a que ça qui fonctionne. Enfin, tout le monde ne le comprend pas, malheureusement. Demandez à la bonne à tout faire d’Inès de la Fressange. Tiens, c’est peut-être mon seul bémol de 2015. Pauvre Inès… Elle et son mari, Denis Olivennes, se retrouvent devant la justice, attaqués par leur domestique pour « travail dissimulé et licenciement abusif ». Non, mais n’importe quoi. Elle était payée rubis sur l’ongle de sa patronne et résidait dans une bicoque en lisière de forêt pour moins de 350 euros par mois qu’elle payait à ses employeurs. Qu’elle cherche une telle place à Paris, tiens. Ça, vous voyez, ça m’énerve. Mais qu’on laisse les gens riches tranquilles, nom de Dieu ! Ah, non, vraiment ça me met hors de moi. Je serais eux, je ne comprendrais pas cet acharnement.
Enfin, l’apothéose : la déchéance de nationalité pour les terroristes. Ça, ça fait plaisir ! Ça finit bien l’année, ça ! Enfin un gouvernement socialiste qui – contrairement à ce triste sire de Jospin – démontre avec brio que, même au pouvoir, on sait rester des guignols. Et ça, c’est vraiment l’esprit français ! Vivement 2016.
J’adore.
Bisque bisque rage, ca ne se dit plus depuis les années 60, non ?
Probablement. J’étais vieux avant de naître de toute façon 🙂
Dommage que tu n’aies pas pu empêcher le calendrier de nous glisser dans 2016 !
J’aime beaucoup la citation en image de la fin