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Mois : septembre 2015

Les Grandes erreurs du marketing (18) : parler de son métier

Dans ma série titanesque des grandes erreurs du marketing, je voudrais m’arrêter aujourd’hui un instant non pas sur une pub foireuse, mais sur un domaine où les gens du marketing sont imbattables : le bullshit talking. C’est quoi le bullshit talking ? C’est donner l’impression que ce qu’on dit est hyper pointu parce qu’on empile tout un tas de mots (anglais) les uns après les autres comme d’autres enfilent les perles. Avec le résultat final que : a. ça ne veut rien dire ; b. tu noies le poisson pour justifier ton salaire à quatre zéros.

J’ai donc lu avec beaucoup d’intérêt l’interview « e-commerce » du directeur marketing d’un site internet qui vous loue des chambres d’hôtel. Cette interview existe, on la trouve sur le web, promis je n’invente rien, et je vais peu commenter, car elle parle d’elle-même. J’ai mis tout de même les passages importants en bleu grâce à un stabilo (mais je pense que plus personne ne sait ce qu’est un stabilo).

Bullshit Talking 1

On s’étouffera déjà dans la question de l’emploi du gérondif « impactant », anglicisme qui heurte mes oreilles. On se demande pourquoi employer ce mot tout moche, car ce n’est pas comme si on manquait de nuances pour exprimer la même chose en français (au hasard : « la tendance la plus marquante, frappante, influente, forte… »). Mais c’est la réponse qui donne à réfléchir, surtout le premier point qui ne veut absolument rien dire (« plus de frontière online / offline, les brick et mortar »)

Bullshit Talking 2

Purée, mais quelle originalité, mec ! Ça, c’est sûr que citer Apple, c’est vraiment quelque chose d’assez puissant. Je dirais même que c’est impactant. Les deux premières phrases de la réponse, ça passe encore. Mais alors, sans arrogance aucune, le mec s’autopose des questions (« Pourquoi ? ») et y répond avec du bullshit talking de haut niveau avant de préciser sa propre pensée (c’est vrai qu’elle était remarquablement complexe) par une superbe transition « J’entends par là ». Et le plus génial, c’est que la précision faite n’est destinée qu’à embrouiller totalement le lecteur. La réalité, c’est que c’était trop clair et que le mec s’est dit qu’il fallait absolument rajouter une couche de merde avec une phrase imbittable pour donner l’impression de surfer au-dessus des autres.

Bullshit Talking 3

Ou alors, le mec, il fait un bingo avec ses potes : « C’est bon, j’ai placé Apple, ADN, ROI et Tailor Made, j’ai gagné ! ». Au passage je ne sais pas si c’est l’auteur de l’interview ou si le gars a vraiment parlé comme ça, mais il manque de nombreux mots de liaison pour que sa dernière phrase veuille dire quelque chose d’un simple point de vue grammatical.

Faut que je me calme, je crois que je suis en train de m’énerver.

Bullshit Talking 4

Le mec a écrit « Tarif garanti » et promet de rembourser la différence. WAOUHOU. En gros, il reprend le slogan de Carrefour dans l’hôtellerie de luxe. Certes, il reconnaît « ne rien inventer », mais putain, si c’est ça qui lui a permis de « booster son taux de conversion », alors je vois pas bien à quoi ça sert d’aller dans une école à 15 000 boules l’année comme HEC pour pondre des conneries pareilles. D’ailleurs, je me demande sérieusement si, dans ces écoles, ils ont des cours de bullshit talking : « Comment cacher que vous êtes un tocard en six phrases clés et vingt mots-valises ». Je devrais faire un MOOC, tiens.

Et si quelqu’un a compris la dernière phrase (où le type marque 100kUSD, non mais sérieusement ?), je veux bien qu’il me l’explique. Rien pigé. Pourquoi une seule réponse (surtout aussi nulle que la sienne) ferait un trou dans le budget de l’intervieweur (à moins que le mec attende réellement 100 000 $ pour avoir eu l’idée géniale de rembourser la différence ?). L’intervieweur : « Merci, c’est fini ». Le mec : « Et mes 100kUSD$, y sont où ? ». Le pire, c’est que c’est bien possible…

PS Je tiens à préciser que je n’ai rien contre ce monsieur, j’ai juste une dent contre le cliché qu’il représente.