Il y a peu de temps (c’était hier), je décidai d’aller à la Fnac, cette sympathique échoppe qui vend des biens de consommation aussi divers que des robots ménagers, des bigoudis électroniques, des guides du routard et des DVD de Zumba.
Lorgnant sur un tout nouvel ordinateur portable pour remplacer mon fringuant MacBook de 2008 qui commençait à montrer des signes de fatigue, je vais voir le vendeur et lui tins à peu près ce langage.
– Mon brave monsieur, je souhaiterais vous acheter cet ordinateur de la marque Apple.
– Mais bien sûr, me rétorque le monsieur propre sur lui et bien sous tout rapport. Lequel voulez-vous ? Celui avec 128 Go de disque dur, 256 Go ou 512 Go.
– Celui de 256 Go.
– Bien monsieur.
Tapant alors sur son ordinateur, il finit par me répondre :
« Damned », me dis-je à moi-même et au vendeur.
– Mais vous voulez pas celui avec 128 Go.
– Bah, que j’y dis, chépatrop. Vous savez, je voulais celui de 256 Go.
– Mais mon brave monsieur, vous vous faites duper par Apple, là. C’est pareil, du kif-kif bourricot ! 128 Go, c’est bien suffisant, vous prendrez un petit disque dur, ce sera super tellement bien et génial.
– Bon, ok, ok. Ça fait toujours 200 euros de moins.
– Eh oui, 200 euros de moins. C’est du super matériel en plus. Bien fini, joli, magique. Ça va multiplier par dix votre productivité.
Il tapote sur son clavier. Retapote et retapote.
– Vous voulez la garantie ?
– Euh… Je sais pas trop.
– Alors, je vais vous dire, c’est vraiment indispensable. Ça coûte 379 euros, et si votre ordinateur tombe en panne, on vous le remplace par un neuf pendant trois ans.
– Mais j’ai déjà une garantie de deux ans avec Apple ?
– Non. Un an seulement chez Apple. Et en plus, vous amenez la machine, il vous la garde six mois et encore s’il vous la rende jamais.
Bon, je sais que la garantie est de deux ans et ayant eu affaire au service clientèle d’Apple, je sais bien qu’il me ment. En plus, l’AppleCare est à 279 euros, 100 euros de moins.
« Non merci, je vais m’en passer », dis-je avec courtoisie.
Et là, tout s’arrête. C’est limite si je peux plus acheter la machine et le vendeur commence à me prendre la tête.
– Imaginez, monsieur, je dis ça pour vous. Imaginez que votre ordinateur, il tombe en panne. Nous, on vous le remplace direct, sans poser de questions. Vous allez payer 1300 euros une machine, c’est super cher, vous pourriez acheter une machine bien moins chère ! Alors franchement, vous pensez pas que ça vaut l’investissement de la garantie ?
– Bah, ça fait beaucoup de sous.
Il lance son simulateur et m’explique que 30 euros par mois en plus, c’est rien. « Surtout que vous pouvez être sûr que vous allez revenir ! »
– Comment ça ? demandé-je. J’ai un MacBook de 2008, j’ai jamais eu un problème.
– Ah oui, mais ça, c’était avant ! Maintenant, les Mac, c’est plus ce que c’était ! C’est de la vraie camelote.
– De la camelote vendue si chère ?
– Les gens les achètent ! Mais je vais vous dire : 57% des machines qu’on vend reviennent en réparation. 57% ! Pas plus tard que la semaine dernière, une étudiante est venue avec sa machine qui était en panne avec tous ses cours dessus. On lui a changé pour une neuve car elle avait pris la garantie, et elle m’a remercié !
– Mais elle a tout perdu alors ?
– C’est pas ça, ce que je veux dire. Ce que je veux dire, c’est que sans la garantie, sa machine, elle pouvait la jeter.
– Pourquoi elle pouvait pas la réparer ?
– Une réparation chez Apple, ça coûte plus cher que de changer de machine, c’est l’obsolescence programmée !
– Non, mais écoutez, ça ne m’intéresse pas.
– Nous, si on fait des garanties, c’est pas pour nous, c’est pour les clients.
Prends-moi pour un gros con pendant que tu y es. Genre « On vend des garanties à perte ».
– Je vous dis non. Mais du coup, j’hésite, est-ce que ça vaut le coup que j’achète si cher une machine qui est si nulle et si peu fiable. Autant que je prenne un truc à 300 euros.
– C’est vous qui voyez.
Bah ça va être vite vu, mec, si tu continues à te la jouer Chevalier et Lasaplès, ta machine, tu vas te la mettre dans le cul, pensé-je intérieurement, seulement parce que je suis poli.
– Ecoutez, je suis désolé, mais je ne veux pas.
– Sinon, il y a la garantie à 195 euros. C’est bris, casse, vol et oxydation. C’est important, ça l’oxydation, surtout quand on s’essuie mal les mains comme certaines ou qu’on sue des doigts ! Je vous mets celle-là ?
– Non.
Il reprend sa table de calcul pour me dire combien ça me fera en plus. Il commence sérieusement à m’agacer…
– Alors, je vous la mets ?
– Non, mais non. Je ne veux pas de garantie.
– Bon. Alors pas de garantie.
– NON.
Ça fait déjà une demi-heure que je suis à la Fnac. J’ai envie de pleurer.
– Le prenez pas comme ça.
– Je le prends comme je veux, monsieur, ça va bien maintenant. Vous me la vendez cette machine que je ne souhaite pas acheter ?
– Sans la garantie alors ?
– Sans la garantie. Désolé.
– Oh, ne soyez pas désolé, ça me fait plaisir, vous savez : je sais déjà que je vais vous revoir. Voici votre papier, passez en caisse et vous pourrez récupérer votre machine au retrait des marchandises.
Je lui arrache le papier des mains. « Merci », dis-je. Et je me barre.
Inutile de dire qu’à peine avais-je le fameux bon de commande, je me suis empressé de le foutre dans une poubelle.