Aujourd’hui, pour le boulot, je suis allé voir un super film, un chef d’œuvre comme le cinéma ne nous en livre que rarement et qui est de plus avec Daniel Auteuil, dont il faut bien reconnaître que les derniers films n’étaient pas tous à la hauteur. Mais celui-là, ATTENTION, il carbure au sans-plomb 98. Protégez-vous les mirettes, mettez des lunettes de soleil.
(bon peut-être de plus jolies que lui, mais faites gaffe quand même).
Le synopsis du film tient en deux phrases dans le dossier de presse : « Georges, un patron de chantier naval, est lâché par sa banque. Il devra se battre jusqu’au bout pour tenter de sauver l’entreprise qu’il a passé sa vie à construire ».
Ça débute tout doux donc avec Georges Pierret, fabricant des bateaux Pierret, des yachts luxueux, mais comme le budget ne prévoyait pas de véritables yachts luxueux, le réalisateur s’est contenté de filmer de vieux rafiots.
Ainsi, quand un riche footballeur de l’OM débarque pour venir voir son FABULEUX yacht, voici ce que les entreprises Pierret ont construit pour lui :
Avec ça, s’il ne fait pas bisquer Anelka, c’est à n’y rien comprendre.
D’ailleurs dans le dossier de presse, le réalisateur insiste sur le fait qu’il voulait mettre en scène un film qui se passe dans le milieu des yachts bling-bling. Une réussite.
Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, d’ailleurs Georges vient de faire rénover l’usine de montage et compte bien en faire de même avec celle de moulage (et là, t’as tous les salariés qui crient comme un seul homme « WHAOUUUUUUUU ») comme il le dit dans une grande soirée de célébration pour fêter une vente d’un bateau, soirée qui se termine d’ailleurs avec son meilleur pote, Claude, le menuisier avec lequel il bosse depuis vingt ans, rond comme un ballon qu’il est obligé de ramener.
Dans cette soirée, le jeune Luis – fraîchement divorcé – rencontre Jessica, une pharmacienne qui a tourné le dos à une carrière derrière les comptoirs pour devenir menuisière (car elle « aime travailler avec ses mains »). Le dialogue est tout bonnement superbe :
Luis : Les mecs à l’atelier, y disent que t’es bonne.
Jessica : Ah bon ?
Luis : Bonne en menuiserie.
Jessica : Viens.
Et ils s’en vont dans la nuit sombre (et sauvage, comme le dit la chanson).
De son côté, George arrive chez la femme de son pote, Claude. Là, sa femme lui annonce que Claude, en ce moment, ça va pas fort.
En fait, on apprendra le lendemain que la société de menuiserie de Claude est en cessation de paiement. Lorsque la liquidation judiciaire arrivera environ vingt minutes plus tard, l’homme ira s’immoler dans l’entrée de la chambre de commerce et de l’industrie locale.
Georges, lui, est rentré chez lui, seul. Il regarde sa piscine, puis son salon. Là, il se souvient de Mathilde, sa femme, morte depuis quelques années, dans une soirée avec des amis. Ô temps suspend ton envol. Il est triste, le Georges. Le lendemain, il a rendez-vous avec la banque. Mais le banquier, Louis (oui, Luis, Louis, même pour les prénoms, les scénaristes n’avaient aucune imagination), est un salopard. Il contraint Georges a se débarrasser de l’atelier de moulage, JUSTEMENT celui qu’il voulait rénover. Tu parles d’une chance.
Georges prend la décision de passer son salaire au smic (car LUI AUSSI fait des sacrifices), appelle le CE, comme dans les vrais, et annonce sa décision qui fait beaucoup de bruit on s’en doute.
Arrive le volet social du film. Luis, bien sûr, est l’un des salariés de l’atelier de moulage, il monte avec Hassan (le chef du CE) des barricades pour se plaindre des indemnités de licenciement proposées par la direction : 2000 euros. Après l’occupation de l’usine et une négociation de haut vol (vécu in extenso par le spectateur), les salariés licenciés obtiennent… 18 000 euros. Mais ils en veulent 50 000. Conclusion, Georges, patron au grand cœur est contraint de faire intervenir les CRS pour désoccuper l’usine. Trop dur.
Luis, lui, va chez sa copine Jessica, et décide de préparer des lasagnes. Mais il fait tomber le plat qui se casse sur le sol de la cuisine. Sans qu’on comprenne vraiment pourquoi (d’ailleurs dans l’ensemble rien n’explique pourquoi les personnages agissent comme ils le font), mais particulièrement consterné, le spectateur regarde – désemparé et embarrassé – Luis renverser la table et les chaises puis se tirer. Lorsque Jessica arrive chez elle, elle appelle Luis pour lui demander si c’est lui qui a foutu ce bronx. Nouveau dialogue d’une grande richesse. Luis est avec un pote en train de regarder un match de foot.
Luis : Allo ?
Jessica : Luis ?
Luis : Ué ?
Jessica : C’est toi qui a foutu le bazar dans ma cuisine ?
Luis : Ué.
Jessica : …
Luis : Au fait. Je t’aime plus, je te quitte.
Il raccroche.
Là, dans la salle, on s’est tous regardé avec un gros air de d’incompréhension : pourquoi ce film ? pourquoi est-on venu ?
Mais tout cela n’est rien.
Le pire ennemi de Georges, c’est Louhis (non, je déconne, j’ai oublié son nom), le Afflelou de la marine : il fait de la merde pour pas cher et veut s’acheter le prestige de la marque Pierret. On le comprend : qui ne voudrait pas d’un bateau comme ça ?
Sauf que Georges, pour rien au monde ne veut vendre à Louhis. Je vous laisse deviner le dénouement que je vais spoiler dans cinq minutes.
Bref. Où j’en étais dans ce ramassis de clichés moisis ?
Ah oui. Donc, Georges fête finalement une nouvelle vente : celle d’un bateau à un millionnaire russe bien évidemment véreux (on va pas s’embarrasser avec des poncifs, hein) qui lui propose d’investir dans sa société et de venir à Moscou pour discuter des arrangements.
Voilà donc notre Georges qui part en Russie et qui rencontre une charmante interprète. Mais comme le millionnaire russe était véreux (je crois que je l’ai déjà dit), sa société est liquidée le jour de l’arrivée de Georges qui finalement passe son week-end avec l’interprète dont il va tomber éperdument amoureux.
Revenu en France, Georges a une super idée : a. il va vendre sa maison, b. il va construire le plus beau bateau du monde, un 70 pieds, c. il va repartir en Russie rejoindre l’interprète et la faire venir en France.
Au salon nautique de Paris, le bateau de Georges est un succès : il a trois commandes fermes ! Il appelle sa nouvelle copine, lui dit avoir un ticket d’avion pour Moscou, et voilà que patatras, tout s’écroule : son ennemi juré a réussi à être actionnaire majoritaire de sa boîte (je vous passe la signature chez le notaire pour la finalisation des actes de vente des parts de la société, vécue elle aussi in extenso).
Georges part sur les berges de la Seine et sans qu’on comprenne vraiment pourquoi déchire son ticket d’avion . Il faut croire que se faire rembourser aurait été trop intelligent.
Fondu au noir.
Georges a quitté l’entreprise : on le comprend parce que d’habitude, il est en costume et là, il est en jean basket avec des sacs en plastique ED L’épicier. Il vit sur son petit bateau. Pris d’un rhume, il se rend à la pharmacie et là, c’est Jessica, l’ébéniste du début, qui le sert : eh oui, la société a déménagé son activité en Bretagne et elle a été contrainte d’abandonner son rêve pour devenir pharmacienne. LA TUILE. On ne sait pas comment elle a vécu sa séparation avec Luis, ça fait bien longtemps qu’on s’en fout, en réalité. Comme de tout le film depuis le début d’ailleurs.
Georges repart sur le port et voit un yacht qu’il a fabriqué à la grande époque. Il demande à monter dedans, le propriétaire en est ravi et, très fier, propose à Georges de faire un petit tour : « c’est la moindre chose que je puisse faire pour le fabricant de ce chef-d’oeuvre », dit-il. En mer, Georges se laisse aller : « Ce volant, c’est Claude qui l’a fait ». L’homme répond : « Ah ! Vous lui direz bravo pour moi ». Georges : « Il est mort ». L’homme : « Comme quoi on peut être un super ouvrier et un pauvre type ! ». Oui, c’est à peu près incompréhensible comme phrase.
Alors, Georges, là, il devient VÉNÈRE. Dire que Claude est un pauvre type, c’est TOO MUCH. Il prend un couteau posé là à côté d’un poisson (?) derrière le poste de pilotage et plante le mec. Et blam, bain de sang. Tout simplement. À ce moment, je me suis dit : « bon, ok, il est en train de rêver ». Mais pas du tout. Méthodiquement, façon Dexter, il jette le corps à l’eau, allume une clope et conduit SON bateau pendant environ 2 minutes et là, contre toute attente (mais avec soulagement) : FIN.
J’étais tellement surpris par ce grandiloquent final inattendu que je me suis précipité sur le dossier de presse de ce grand film social présenté comme une « comédie dramatique » (la partie comédie m’a particulièrement échappé). Et on peut lire que le réalisateur avait une toute autre conception du dernier plan : « [le plan qu’on avait prévu n’a pas pu être tourné, car] il y avait trop de vent et qu’on ne pouvait installer la grue. On a donc improvisé ce qui est devenu le dernier plan du film : Daniel qui fume en conduisant son bateau sur fond de crépuscule ». Mais voilà ! C’est pour ça que c’est bidon : c’est pas le bon dernier plan !
Ma note :