Le Festival de Cannes a débuté mercredi et aujourd’hui, c’est la présentation du dernier film d’Arnaud Desplechin, Un Conte de Noël qui nous narre l’histoire déchirante d’un jeune enfant en 6ème qui ne sait pas compter au delà de un, jusqu’au soir de Noël où – subitement – il compte jusqu’à deux et sa grand-mère (magistrale Catherine Deneuve) en est toute ébaudie et se ressert un verre de cognac (en fait de l’Ice Tea à la Mangue).
Sur toutes les jaquettes des vidéos des films de Walt Disney, on pouvait lire : « Le Grand Chef d’Œuvre de Walt Disney », « L’Ultime Chef d’Œuvre de Walt Disney », « Le Vrai Chef d’Œuvre de Walt Disney » ou « Le Plus Beau Film de Walt Disney ». Et bien, avec Desplechin, c’est un peu la même chose : chaque nouveau film est son plus beau.
Par exemple, ce Conte de Noël, c’est pour Les Inrocks « magistral » et pour Télérama « le plus ample et le plus accompli ». Rois et Reine, le précédent, c’était « une plénitude », Esther Kahn « un superbe quatrième film » et montrait un « goût du cinéaste pour le spectacle hollywoodien ».
Exemple de goût pour le spectacle hollywoodien
Desplechin, c’est un peu notre Walt Disney français.
Les films de ce grand réalisateur (1 mètre 83) sont assujettis à plusieurs constantes immuables.
Il y a d’abord la durée (non, rien à voir avec les macarons). Arnaud ne sait pas faire dans le concis. Même ses court-métrages sont longs (54 mn pour La Vie des morts). La Sentinelle, son premier chef d’œuvre : 2h20 ; Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) : 2h58 ; Esther Kahn : 2h22 ; Rois et Reine : 2h30 ; Un conte de Noël : 2h30.
Ensuite, le nom des personnages. Ici, pas de François ou de Vincent. Bien trop commun. On s’appelle tous avec des noms bibliques, mythologiques ou à connotations littéraires : Abel, Junon, Ismaël, Esther sont systématiquement employés.
Dans un film de Desplechin, il y a toujours Mathieu Amalric avec sa tête toute fripée qui lui donne l’air d’être sorti d’une machine à laver le linge dont la fonction essorage serait foutue. Il interprète un adulte mais qui renâcle à agir comme tel.
Et puis, un film de Desplechin ne serait pas tout à fait complet sans quelque part Emmanuelle Devos avec sa machoire inférieure en avant ce qui lui donne un côté reptilien palpitant.
Lorsque Comment je me suis disputé… était présenté à Cannes en 1996, elle avait répondu à un intervieweur de Nulle Part Ailleurs qui lui demandait de résumer le film : « s’il dure trois heures, c’est justement parce qu’on ne peut pas le raconter en moins de temps ».
Mais revenons à Un Conte de Noël. Jean-Marc Lalane (qu’il soit maudit) explique dans son papier sur Cannes que ce film va certainement intéresser Sean Penn puisque c’est le même chef-opérateur que celui de Into the Wild qu’il a réalisé. Et que c’est le moment idéal pour récompenser Nono qui, s’il a participé déjà trois fois en compétition officielle, n’a jamais rien remporté, ajoute-t-il.
Mais que je te rassure : à la fin du Conte de Noël, y’a une grande farandole devant Simon qui compte les dix premiers grâce à ses doigts et quand il a plus de doigts, il devient fou. Alors, Catherine Deneuve se retourne vers la caméra et dit d’une voix monocorde (et c’est tout simplement génial et jamais vu) : « Je suis une femme d’amour. Perdre un enfant m’a fait souffrir, mais la joie de revoir dans les yeux de ma famille l’aphasie de leur amour réchauffe à mon coeur le bonheur de ma tendresse. Même Henri, que j’ai banni, et qui a été un adolescent dans un corps d’adulte toute sa vie, je le pardonne. Je pardonne à tous. Je pardonne tous et tout. Mais surtout… je me pardonne ».