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Rois et Reine

J’avais écrit ça sur un forum de cinéma après avoir vu le film Rois et Reine de Desplechin pour faire chier les intervenants. Ça n’a pas marché. Mais lire chez Ze F. : « Il est de bon ton de gerber sur Desplechins. En attendant, un film français comme ça, on l’attendait depuis longtemps… » m’a donné envie d’en faire profiter la terre entière des lecteurs de ce blorgue. C’est un peu méchant, franchement gratuit, pas vraiment argumenté, mais ça m’avait bien défoulé. N’étant pas super fan de l’œuvre du monsieur et un littéraire raté, j’ai fait des bourdes (j’attribue les noms des personnages à des références bibliques, alors qu’il s’agit pour certaines de références à Moby Dick), mais je laisse le texte comme ça parce qu’il me fait plus rigoler avec les erreurs, alors, hein. On est chez moi, ici, et on essuie ses pieds sur le paillasson d’octets à l’entrée. Ah, et je vomissais déjà sur Desplechin — juste pour préciser.

Attention Spoiler ! Je dévoile (si l’on peut dire) le contenu du film.

Rois et Reine
Non content de nous abreuver de sa suffisance dans une mise en scène calamiteuse, les premières minutes du film posent une question : quel est le propos de Rois et Reine ? À première vue, aucun, si ce n’est de vouloir absolument emmerder les spectateurs.

Les deux histoires qu’aborde ce film partent d’un point zéro pour sombrer dans le néant le plus total, et le tout avec des poncifs et des astuces scénaristiques à faire peur à un dromadaire en rut. Jugez-en plutôt.

Nous avons, d’une part, Nora (mal) interprétée par Emmanuelle Devos. Femme forte, elle a eu un enfant (Elias, interprété par : « le petit Valentin Lelong » tel qu’écrit dans le générique) avec un homme merveilleux, mais excentrique, qui est mort avant la naissance de l’enfant. Son credo, à elle, c’est de parler comme dans une pub pour la lessive ou pour les couches-culottes avec des cuts très nombreux sans changement de point de vue, ce qui nous donne sensiblement des textes du genre : « La toute dernière innovation de Pampers ». « Bon, c’est les fronces protectrices ». « On connaissait déjà ça, chez Pampers ». « Mais la vraie innovation, c’est que la double épaisseur devienne triple épaisseur ». « Merveilleux, et surtout très pratique avec son voile mentholé ».

Elle raconte ça à la caméra (première séance chez un psy ? On ne saura jamais), le déclamant d’une façon intelligemment fausse. Elle s’est mariée dix ans plus tard avec un homme qu’elle n’aime pas, mais qui ne l’aime pas non plus et qui doit juste aimer se faire pomper le fric.

De l’autre côté, nous avons Ismaël (appréciez au passage, avec la finesse Desplechienne, la présence quasi ininterrompue de prénom biblique ou judaïque sans que ceci ait un quelconque intérêt), un alto talentueux, très doué, mais quelque peu autiste (pour preuve : il mange au McDo, il écoute du hip-hop, danse et porte des baskets bleus — signes flagrants s’il en est). Il est enfermé « par erreur » dans un hôpital psychiatrique (en fait, c’est une malversation d’un de ses camarades, ce que nous révélera une longue enquête laborieuse à laquelle Columbo n’aurait même pas voulu voir son nom associé). Au long de son séjour dans l’hôpital psychiatrique, nous comprendrons qu’Ismaël, à presque quarante ans, continue de se comporter comme un gamin. Pour preuve : il mange au McDo, il écoute du hip-hop, danse et porte des baskets bleus (ah bon ? j’ai déjà écrit ça ?). De plus, il tombe amoureux d’une jeune fille de vingt ans sa cadette, qu’il rejettera avant de revenir vers elle dans un final d’une originalité à faire pousser des ailes à un mammouth.

Le lien entre les deux histoires n’arrive qu’au bout d’une bonne heure et demie de film, bien que n’importe quel spectateur qui a déjà vu un ou deux films de ces auteurs (Desplechin et la clique de la Femis) aura découvert le pot aux roses au bout d’une quinzaine de minutes : Ismaël est le second mari de Nora et a élevé pendant sept ans Elias avec Nora avant qu’elle ne le quitte, car il était trop gamin. Nora, elle, est dure et certaine d’elle, mais sombre sensiblement dans une hystérie calculée.

Tout le propos du film tourne autour d’une question : Ismaël acceptera-t-il d’adopter Elias ? (2 h 30 pour savoir qu’il n’acceptera pas). Le reste n’est que du remplissage poussif dont une histoire catastrophique entre Nora et son père mourant atteint d’un cancer incurable qu’elle décide de débrancher « pour ne pas le faire souffrir ». Au cours de cette monstrueuse séquence, le père laissera à sa fille une déclaration calamiteuse l’informant de sa haine la plus totale et de son désir de la voir mourir plutôt que lui. Cette lettre, qu’elle cachera sur son ventre, laissera une marque de brûlure (bonjour la symbolique) avant qu’elle ne décide de l’enflammer dans le garage de sa maison. Une autre histoire qui sort d’on ne sait où nous présente les parents d’Ismaël qui ont tous les deux un cœur gros comme ça, et qui veulent adopter la terre entière. L’aboutissement de cette séquence n’a qu’un intérêt fortement limité dans la conception scénaristique de l’affaire, si tant est qu’il y en ait une.

Et puis, pour finir de nous achever, Desplechin clôture son film par un épilogue capricieux où Elias et Ismaël ont une conversation passionnante sur les responsabilités de l’adulte et sur le fait qu’un enfant n’est pas un adulte, excusez-moi, j’ai du mal à ne pas bâiller rien qu’à l’évocation de cette séquence. Montée dans un style « cut-up », la scène est d’une longueur à faire passer le Marathon olympique pour un cent mètres. Et Emmanuelle Devos, la « Reine », finit de nous achever avec un petit monologue bien senti, alors qu’Elias et Ismaël s’approchent d’elle : « J’ai aimé quatre hommes [Ismaël, Elias, son premier mari, son père], j’en ai tué deux [son premier mari et son père], les deux autres courent vers moi ». S’ensuit un générique douloureux dans un quasi-silence, où Desplechin nous rappelle une ultime fois qu’il est un grand littéraire et qu’il a lu plein de livres en citant in extenso la liste des ouvrages dont il fait citer des extraits par les acteurs tout le long du film.

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5 Comments

  1. Bochat Bochat

    Mince c’est marrant je passe encore apres Jake, pffff….
    Oui c’est très bien tourné, j’adore.
    Et j’ai vu aujourd’hui qu’Ismaël était le fils d’Abraham, et l’un des ancêtres de Mahomet.Son demi-frère est Isaac, fils d’Abraham et de Sarah, sa femme. C’est comme ça que tout a commencé…Bref avec tes références bibliques, tu as tout à fait raison. Sauf qu’Ismaël est plus islamique que judaïque du coup.
    Mais en fait, on s’en fout un peu.
    Ton blog est très drôle et fin. Bravo!

  2. artypop artypop

    ze f. > éhéhéhéh. je pensais bien que ça te titillerait!

    jake > si l’on peut dire, ouaip (la note date d’environ six mois, c’est mon ancien moi qui l’a écrit, si l’on peut dire)

    bochat >merci! sinon pour préciser (mais tu as raison, on s’en fout un peu), après avoir envoyé ce post sur le forum en question, on m’a précisé qu’Ismael et Abel sont les deux personnages principaux de Moby Dick (narrateur et capitaine), et que pour Desplechin, il s’agissait de référence littéraires avant d’être biblique (bon, en même temps, y’a des Elias, Simon, etc.). Je ne sais plus trop, mais il me semble que dans le film il est fait référence au « Appelez-moi Ismaël », première ligne du livre de Melville. C’est un truc de Desplechin de reprendre des noms d’ouvrages littéraires, puisque, m’a-t-on dit par la suite, il avait déjà appelé Amalric « Dedalus » du nom du double de Joyce dans « Portrait de l’artiste en jeune homme » et « Ulysse ». Et si quelqu’un pouvait m’expliquer la passion de Desplechin pour les tasses à café grecques, ça m’éclairerait pas mal…

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